Annonce La Cité de la musique bientôt achevée L'occasion est plutôt rare : une conférence de presse commune réunissait, lundi 6 mars, à la Cité de la musique de La Villette, Renaud Donnedieu de Vabres, ministre (UMP) de la culture et de la communication, et Bertrand Delanoë, maire socialiste de Paris, en compagnie de Laurent Bayle, directeur de la Cité de la musique et de la Salle Pleyel. Le prétexte officiel de cette réunion insolite concernait la réouverture de Pleyel, la salle de concert du 252, rue du Faubourg-Saint-Honoré, fermée depuis plus de trois ans. La rencontre des deux hommes politiques intriguait d'autant plus que la municipalité parisienne ne participe financièrement qu'à hauteur de 20 % au coût de fonctionnement de la "filiale Pleyel", gérée par la Cité de la musique. Les vraies raisons de cette conférence de presse devaient être vite révélées. "L'ouverture de la salle Pleyel [n'est\] qu'une étape dans l'équipement de Paris en auditoriums adaptés à la musique symphonique. (…) L'Etat et la Ville de Paris (…) ont décidé de s'associer à parts égales pour construire, ici, dans le Parc de La Villette, une grande salle de concert de 2 200 à 2 500 places", a indiqué le ministre, passant rapidement sur le nouvel auditorium de Radio France, dont l'ouverture est prévue en 2010. Serpent de mer depuis vingt ans, objet d'innombrables polémiques, la construction d'une grande salle de concert à la Cité de la musique est donc acquise officiellement. Son ouverture est programmée pour 2012. M. Delanoë s'est félicité : "L'Etat et la Ville peuvent et doivent travailler ensemble." Il a ajouté :"Cette localisation n'est pas fortuite : imaginer ici, dans ce quartier populaire qu'est le 19e arrondissement, en bordure de Paris, une grande salle symphonique, c'est donner un premier signe de ce que l'on peut attendre, en termes de croisements des pratiques culturelles, de liens avec la formation, de rencontres avec les publics les plus divers. C'est dans ces termes que je conçois ce projet. Je me réjouis de voir que l'Etat fait aujourd'hui la même analyse." Cette décision met donc fin à des années d'atermoiements entre les diverses parties prenantes, l'Etat, la Ville et la Région, qui avaient fini par faire de Paris une exception culturelle : la seule capitale européenne privée d'un auditorium moderne adapté à l'accueil d'une formation symphonique du XXIe siècle. Le feu polémique La discorde concernait d'abord le financement de la salle, dont chacun voulait éviter d'être le principal bailleur de fonds. Elle trouvait des résonances au sein des divers "camps". Ainsi, à la Ville de Paris, Christian Sautter, adjoint chargé des finances, s'est longtemps opposé au projet, défendu par Christophe Girard, adjoint chargé de la culture. Le feu polémique était par ailleurs attisé par des groupes de pression qui faisaient valoir des solutions de réaménagement de salles existantes comme la Gaîté-Lyrique. Les mêmes reprochaient à La Villette son éloignement par rapport au centre de Paris et les dangers supposés de la ligne 5 du métro, qui mène à la porte de Pantin. La construction de cet auditorium parachève donc le projet initial de la Cité de la musique. Celle-ci, imaginée par l'architecte français Christian de Portzamparc en 1984, a été inaugurée en 1995 mais n'a été que partiellement réalisée. Deux salles de concert étaient en effet prévues : celle qui peut aujourd'hui accueillir de 800 à 1 000 auditeurs, et un grand auditorium de 2 200 à 2 500 places, toujours différé faute de financement suffisant. S'il souhaite terminer son ensemble architectural, Christian de Portzamparc devra concourir à nouveau, ainsi que l'impose la législation. "Au terme des procédures réglementaires, la désignation d'une équipe de maîtrise d'œuvre, réunissant un architecte et un acousticien, devrait intervenir au début de l'année 2007", a déclaré M. Donnedieu de Vabres. Désormais 170 millions d'euros En raison d'un calendrier particulièrement serré, la mise en chantier de l'auditorium doit se faire dans les meilleurs délais. Une structure de préfiguration réunissant l'Etat et les collectivités territoriales partenaires sera mise en place. Le projet, chiffré en 2002 par l'établissement de maîtrise d'ouvrage culturel du ministère de la culture (EMOC), s'élevait à 110 millions d'euros. Il devrait désormais atteindre 170 millions d'euros. L'Etat et la Ville garantissent pour son financement un "engagement à parité". Dans l'entourage du ministre, on n'exclut pas un apport financier substantiel du secteur privé. Que devient, dans ce cadre, le troisième partenaire "naturel" qu'est la région Ile-de-France ? "Ensemble, avec Bertrand Delanoë, a précisé le ministre, nous souhaitons inviter la Région à se joindre à la Ville de Paris et à l'Etat pour porter ce projet, dont le premier ministre [Dominique de Villepin] a proposé la relance." Jean-Paul Huchon, président du conseil régional d'Ile-de-France, a déclaré au Monde que "ce dernier grand équipement culturel dont Paris avait besoin a pour avantage de porter la musique classique dans un quartier populaire au sein de ce qui est désormais un haut lieu scientifique et culturel". Il a souligné que " la Région ne s'opposera naturellement pas au projet mais ne pourra en être un partenaire majeur". Il semble que cette participation n'excédera pas les 20%.