Censure La censure de la presse quasi-officielle en Côte d'IvoireAprès la multiplication des propos d'officiers appelant à renverser Laurent Gbagbo, le pouvoir menace de fermeture les journaux qui «ne travailleraient pas dans l'intérêt de la nation». Dans un pays en guerre, les journalistes ont le droit de se taire. Les galonnés ivoiriens l'ont expliqué mercredi aux patrons de presse à Abidjan. Lors d'une rencontre avec les journalistes des différents titres de Côte d'ivoire (à lire sur abidjan.net, deux des plus hauts gradés du pays, le chef d'état-major Philippe Mangou et le commandant de la garde républicaine Bruno Dogbo Blé, ont rappelé tout le petit monde des médias à l'ordre. Et ils ont menacé d'interdire de parution certains journaux qui «ne travailleraient pas dans l'intérêt de la nation». Comprendre: ceux qui publient les propos subversifs d'officiers appelant à renverser le président Laurent Gbagbo. Ces dernières semaines, les colonnes abidjanaises en regorgent.Il y a eu d'abord l'ancien porte-parole de l'armée, Jules Yao Yao. Bastonné après un dîner à l'ambassade de France, cet officier en cavale a appelé l'armée au putsch. Il a ensuite envoyé à la presse une liste de neuf membres des «escadrons de la mort», responsables des basses œuvres du régime. Puis l'ex-chef des forces armées, le très populaire Mathias Doué, a menacé, sur les ondes de Radio-France Internationale de déboulonner le chef de l'Etat «par tous les moyens», se disant prêt à passer à l'action dans les tout prochains jours. Repris dans la presse – et même dans le très officiel «Fraternité-Matin»– l'appel du général en rupture de ban a pourri un peu plus le climat délétère qui règne en Côte d'Ivoire. A deux mois de l'élection présidentielle, le pays est toujours coupé en deux, divisé entre rebelles au nord et loyalistes au sud. La médiation du président sud-africain Thabo Mbeki n'a toujours pas permis le désarmement de la rébellion et des milices parallèles à la solde du régime.L'irruption médiatique d'anciens officiers loyalistes dans le jeu politique a changé la donne. Désormais, la contestation vient de l'intérieur: elle émane de militaires qui ont d'abord combattu les rebelles des Forces nouvelles, mais ont été démis à l'automne 2004 pour avoir défendu une solution négociée. Leur objectif est maintenant de faire basculer leurs «frères d'armes» dans la désobéissance pour faire tomber Laurent Gbagbo. Mercredi, une nouvelle lettre du lieutenant-colonel Yao Yao a fait les gros titres ivoiriens. Dans cette longue missive, il prédit au numéro un de l'armée le sort du «prochain agneau sacrifié» par le régime – une façon de l'inciter à tourner son treillis. Sa lettre risque fort d'être la dernière à passer la censure, à présent officielle à Abidjan.
