Annonce La Bulgarie profite des premières retombées du processus d'adhésion à l'UE La situation économique s'améliore dans ce pays qui doit intégrer l'Union européenne en 2007.Sofia de notre envoyée spécialeQuinze ans après le renversement du dictateur communiste Todor Jivkov - au lendemain de la chute du mur de Berlin, le 10 novembre 1989 -, la population bulgare (8 millions d'habitants), peu encline à la nostalgie, n'a pas de doute sur la voie choisie : celle de l'adhésion à l'Union européenne, prévue au 1er janvier 2007. Une fois les négociations achevées en juin 2004, le pays a reçu un satisfecit de la Commission. La transition a aussi commencé à porter ses fruits avec, pour 2004, une croissance enviable (+ 5 %), une hausse des investissements étrangers directs (plus de 2 milliards de dollars), une baisse du chômage (11,7 %) et un petit excédent budgétaire (1 million de dollars) bienvenu pour la coalition libérale au pouvoir, dont le mandat arrive à terme en juin 2005.Rédactrice en chef adjointe du quotidien Troud, Svetlana Djamdjieva résume le chemin parcouru. "Avant, nous avions le choix entre trois sortes de pains et une seule sorte de presse, aujourd'hui nous avons vingt sortes de pains et une presse diversifiée", dit-elle. Anna, étudiante à l'université de Sofia, se réjouit de l'entrée dans l'espace Schengen, ce qui lui permet de se rendre en Grèce ou en France sans visa. "Je vivais les demandes de visas comme une humiliation, maintenant je me sens comme tout le monde", dit-elle.D'autres, tel Younal Loutfi, le vice-président du Parlement, voient dans l'adhésion une sorte de juste retour des choses. "Dans les années 1930, la Bulgarie était une démocratie très européenne. Les échanges étaient nombreux, le leva - la monnaie locale - était convertible, le paysage politique était diversifié et nous avions une vraie classe moyenne. En entrant en Europe, nous renouons avec notre passé démocratique", explique-t-il. Conséquence de cette identité européenne retrouvée, "l'intérêt du public bulgare pour le monde extérieur a crû", estime Svetlana la journaliste. Son journal, un ex-fleuron de la presse communiste racheté par un groupe allemand, a, depuis 2001, ouvert trois bureaux à l'étranger, à Berlin, à Moscou et à Bruxelles.Située à la croisée des mondes turc, européen et balkanique, Sofia la capitale bulgare, de son ancien nom "Sredets", c'est-à-dire "milieu", affiche les attributs de sa récente prospérité. "La nouvelle richesse aime à se montrer", résume la vendeuse d'une boutique de luxe de l'avenue Vitocha. "Il y a quelques riches et tous les autres vivent dans la pauvreté", rétorque Anna l'étudiante. Selon elle, la dénatalité que connaît le pays est aussi à mettre au compte des revenus trop bas de la population, particulièrement chez les jeunes, "dans l'incapacité matérielle de fonder une famille".Le 9 novembre, "fête de la démocratie", des manifestants ont arpenté le centre-ville pour protester contre les bas salaires (60 euros par mois). Le gouvernement actuel, emmené par l'ancien roi Siméon II, souhaite une augmentation de 25 %, ce qui n'est pas du goût du Fonds monétaire international."On nous dit que c'est excessif, mais notre croissance le permet. Et puis la revalorisation du salaire moyen, qui était à 43 euros en 2001, est l'une de nos priorités", affirme Milen Veltchev, le ministre des finances. "Nous avons réduit les impôts, passés de 38 % à 24 % pour les revenus des particuliers, de 28 % à 15 % pour les entreprises, et malgré cela nous avons collecté les mêmes sommes !", se félicite-t-il. En trois ans, grâce à une réforme drastique, les revenus de la douane ont augmenté de 70 %.Cet automne, la Commission européenne a mis en garde contre une corruption massive. "Oui, beaucoup reste à faire, nous le reconnaissons. Mais d'après Transparency International - une ONG qui traque la corruption -, il y a un léger mieux", tempère le ministre des finances. "L'équipe au pouvoir n'est pas attaquée là-dessus, c'était plutôt le fait du gouvernement précédent", prend soin de préciser son collègue de parti, Daniel Valtchev, le vice-président du Mouvement national Siméon II.LIBERTÉ DE PAROLEAvec les législatives de juin 2005 en vue, les partis d'opposition affûtent leur stratégie électorale. En tête avec 23 % des intentions de vote, le Parti socialiste bulgare (PSB) mise sur le soutien de la province. Son étoile montante, Sergueï Stanichev, dénonce "les réformes faites n'importe comment, la mort de l'agriculture, le délitement du secteur de la santé et la disparité entre les régions". Pour ne pas être en reste, les partis de la droite libérale tentent de s'allier. Nikolaï Mladenov, jeune chef de l'Union des forces démocratiques, a la dent dure envers le "parti du roi". Ce débat passionne-t-il les Bulgares ? "L'enthousiasme s'est érodé, sans doute parce que l'impression générale est que le cours des choses est immuable, quelle que soit la formation au pouvoir", explique Anna l'étudiante.Comme la plupart de ses compatriotes, elle aime à regarder tous les soirs à 22 h 30 "le show de Slavi", à la télévision (BTV, de Rupert Murdoch), une émission qui marie la politique, la satire et la variété. "Ça me remonte le moral", renchérit un autre étudiant. "Slavi est si proche de nous", explique la serveuse d'un restaurant de l'avenue Dondoukov.A quand l'émergence du "Mouvement de Slavi" ? "Je suis le plus célèbre", reconnaît l'intéressé sans détours. Comblé par la liberté de parole dont il jouit à l'antenne, cet animateur vedette reconnaît toutefois des relations difficiles avec les gouvernements en place depuis 2000, mais tient à rendre hommage "au roi, le plus démocrate d'entre tous".
