Annonce JUSTICE Une affaire de 1923 pourrait être renvoyée devant les tribunaux à la demande de la famille Procès Seznec : la commission de révision se prononce aujourd'hui Historique. La décision que doit rendre aujourd'hui la commission de révision des condamnations pénales va mettre un terme à près de 82 années de procédures. Cette haute juridiction devra trancher l'une des plus grandes énigmes judiciaires du XXe siècle, l'affaire Seznec. C'est dire l'émotion qui s'est emparée de Denis Seznec, petit-fils du bagnard qui a toujours plaidé son innocence et surtout infatigable et passionné défenseur de la cause familiale. «J'ai le sentiment que je vais être soit exécuté, soit nommé prix Nobel», raconte Denis Seznec à la veille de cette décision. A 14 heures aujourd'hui, la justice dira si elle entend rouvrir le dossier de Guillaume Seznec, condamné en 1924 aux travaux à perpétuité, par la cour d'assises du Finistère, accusé d'avoir tué Pierre Quémeneur, notable breton avec lequel il était parti faire affaire à Paris. Si la commission se prononce favorablement, la condamnation du défunt forçat sera annulée, et l'affaire transmise à la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui statuera comme cour de révision. Avec une formule consacrée qui, pour la famille Seznec, vaut tout l'or du monde : l'annulation de la condamnation «décharge la mémoire des morts»... Si la commission de révision refusait de rouvrir le dossier, les espoirs de voir l'affaire ressurgir seraient quasiment réduits à néant. La décision n'est susceptible d'aucun recours. Seul un ministre de la Justice pourrait introduire une nouvelle requête en révision si de nouveaux éléments venaient à apparaître – une hypothèse très improbable si longtemps après les faits. Si l'affaire Seznec refait aujourd'hui parler d'elle, c'est d'abord à cause du prédécesseur de Dominique Perben à la Chancellerie, Marilyse Lebranchu, garde des Sceaux de Lionel Jospin. L'élue de Morlaix (Finistère) avait annoncé, dès sa nomination, qu'elle saisirait la commission de révision. Ce qui fut fait en 2001, une première en France. Auparavant, et pendant des décennies, les demandes s'étaient succédé en vain. Notamment celle de la fille de l'ancien condamné, puis celle de son petit-fils. Il faut dire aussi qu'en 1989 la loi avait été – de façon opportune pour la famille Seznec – modifiée et les conditions de la révision criminelle assouplies. Désormais, on peut invoquer un fait nouveau «de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné» – il n'est plus nécessaire que ce fait nouveau soit susceptible «d'établir l'innocence» du condamné. Il n'a pas fallu moins de trois ans d'instruction avant que la commission de révision ne se réunisse, le 24 janvier dernier, pour examiner le dossier. Une lourde journée au cours de laquelle, trois heures durant, l'avocat général Jean-Yves Launay a défendu l'ancien bagnard, se proclamant «totalement, intimement convaincu de l'innocence de Guillaume Seznec». Si le dossier est si lourd, c'est que l'affaire est grave à bien des égards. D'abord pour la justice, souvent accusée de s'opposer à toute remise en question de l'autorité de la chose jugée. La décision de la commission de révision intervient alors que les errements du procès d'Outreau ont fragilisé sa revendication d'infaillibilité. L'affaire Seznec, c'est aussi une cause portée à bout de bras par cette famille dont plusieurs membres ont consacré leur vie à défendre leur nom. Guillaume Seznec a-t-il subi vingt ans d'enfer au bagne de Cayenne pour rien ? Le jeune maître de scierie et Pierre Quémeneur, conseiller général, avaient quitté Morlaix le 25 mai 1923, au volant d'une Cadillac. Ils allaient à Paris pour acheter des voitures américaines qu'ils comptaient revendre. Après plusieurs crevaisons, la voiture finit par tomber en panne à Houdan (Yvelines). Selon la version de Seznec, Quémeneur aurait alors pris le train pour honorer à Paris un rendez-vous pris avec un intermédiaire, Guerdy, dit aussi «Charly l'Américain», tandis que lui-même rebroussait chemin. Pierre Quémeneur n'est jamais revenu. Et les regards se sont tournés vers son associé, accusé d'avoir tué son compagnon. L'enquête menée notamment par l'inspecteur Bonny – qui rejoindra la Gestapo pendant l'Occupation et sera fusillé à la Libération – accumulera les charges contre Seznec. Devant la commission de révision, la famille Seznec a démontré l'existence de Guerdy (tenue pour une invention de Seznec lors du procès) et mis en avant une expertise montrant qu'un document attribué à Quémeneur avait été fabriqué par les enquêteurs...