Diffusion Justice Outreau : Le grand spectacle du petit écran A 16h30 cet après-midi, les télévisions bouleversent leur programme pour diffuser l'audience du juge Fabrice Burgaud devant la commission d'enquête. Aujourd'hui, à 16 h 30, dans une étrange enceinte, mi-tribunal populaire, mi-arènes, et sous l'oeil de millions de téléspectateurs, le juge Burgaud va faire son entrée. Après l'audition des acquittés d'Outreau, seulement diffusée sur des chaînes thématiques, la commission parlementaire doit entendre le juge. Première télévisuelle : l'audition sera retransmise en direct sur deux grandes chaînes, TF1 et France 2. Sur le même sujet Justice. A savoir Que diriez-vous au juge Burgaud ? L'esprit de la loi Ces députés qui font mine de découvrir l'injustice Quand Fabrice Burgaud était entendu comme témoin à Saint-Omer D'ordinaire, celles-ci ne bouleversent leurs grilles qu'en cas de 11 septembre, de morts d'un Président ou de mariage de princesse. Mais il y a eu le choc de l'audition des acquittés, pourtant diffusée sur des chaînes à l'audience confidentielle, LCI, i-Télé et la Chaîne parlementaire. Pour la première fois, les téléspectateurs ont pu voir ces hommes et femmes expliquer leur vie cassée. Directement, sans l'intermédiaire d'un dessin de presse, de la plume d'un journaliste ou d'un reportage sur les marches du palais. Avec la diffusion sur TF1 et France 2 (1), tout le monde pourra voir le juge Burgaud plaider sa cause. Il a lui-même voulu que son audition soit publique. Il a dit «comprendre» le souhait des acquittés d'être présents. Le président de la commission, André Vallini (PS), a prévenu qu'il suspendrait la séance au moindre dérapage et appelé les médias «à plus de retenue». Pourtant, depuis l'audition des acquittés et le suspens créé autour de celle de Burgaud, c'est un lynchage médiatique qui guette. TF1 et France 2 promettent d'y veiller. Sur la Deux, David Pujadas prendra l'antenne dès 15 h 30 en recevant des autorités morales, telles l'ex-ministre de la Justice Robert Badinter. Même souci de pédagogie sur TF1. Sur les deux chaînes, la retransmission s'arrêtera à 19 heures pour laisser place, qui au jeu présenté par Arthur, qui au chansonnier Laurent Ruquier. Pour Arlette Chabot, directrice de l'info de la Deux, la décision de casser la grille a été facile : «Il y a une attente autour du juge Burgaud, et puis il y a eu l'impact des acquittés. Après leur audition, de nombreux téléspectateurs nous ont dit qu'ils étaient frustrés de ne pas avoir eu le direct.» Pas de coupure pub sur France 2, et a priori pas sur TF1, mais des commentaires au moment des pauses décidées par Vallini. Qu'importe ces précautions, François Jost, professeur à la Sorbonne et spécialiste de la télévision, juge «terrifiante» cette diffusion par les grandes chaînes : «Elles se sont dites : "C'est un bon programme, et si on le fait, on aura l'air citoyen." Mais cette audition est à regarder avec précaution. Ce n'est pas parce qu'on montre cet événement que c'est transparent : il y a une réalisation. Et la réalisation champ/contre-champ va donner l'effet qu'on est au tribunal.» Arlette Chabot réfute l'idée que la télé veuille se racheter d'avoir relayé les thèses de Burgaud : «Ce n'est pas du tout une repentance, il y avait une ambiance de folie à l'époque et tout le monde a plongé.» C'est à l'Assemblée, qui assure la captation de l'audition reprise par toutes les chaînes, que sont fixées les règles de réalisation : «Exactement les mêmes que pour la séance publique», explique-t-on. A savoir : «98 % du plan est consacré à la personne qui parle, il y a 2 % de plan de coupe et aucun plan sur le public.» Le juge parle : plan sur le juge. Le député l'interroge : plan sur le député. Mais jamais de gros plans sur les réactions des acquittés. En revanche, dit-on de source proche de la commission, «dans les plans de coupe, on pourra avoir les mimiques qui font sens. Si le président Vallini a un air affligé ou songeur, on ne s'interdit pas de le filmer. Ce peut être un élément de compréhension». La séance sera filmée par quatre caméras : deux du côté de la commission, deux du côté du juge. Les acquittés, eux, seront assis un peu à l'écart. Un temps, il a été envisagé de les placer dans une mezzanine qui surplombe la salle : «Mais de là, précise-t-on à l'Assemblée, ils n'auraient pas pu voir Burgaud directement.» Cet après-midi, les acquittés d'Outreau seront là, à guetter des excuses. De même que Roselyne Godard, l'abbé Dominique Wiel n'en sera pas. La semaine dernière, il s'en expliquait : «J'imagine le juge Burgaud seul face à la commission, avec, dans son dos, la pression des treize acquittés témoins muets devenus à leur tour jurés...»