Décision «Journée historique» pour l'Assemblée irakienne Les 275 nouveaux élus ne sont pas parvenus à désigner un exécutif. la démocratie irakienne avance à pas comptés. Quarante-cinq jours après avoir été élus, les 275 députés de l'Assemblée nationale constituante se sont réunis pour la première fois hier matin. Mais ils se sont séparés sans avoir pu se doter d'un exécutif et sans fixer la date de la prochaine séance destinée à cet effet. Le Premier ministre pressenti, Ibrahim al-Jaafari, du parti islamique chiite Dawa al-Islamiya, estime qu'il faudra encore deux semaines d'intenses tractations avant de pouvoir former un gouvernement. Tirs de mortier. Le premier orateur a salué un jour «historique qui suit des décennies d'oppression». A Washington, George W. Bush a salué de son côté «un grand moment» et une «étape dans le processus» vers la démocratie. La session se tenait dans le palais des congrès, transformé en bunker, au coeur de la zone verte, qui abrite le siège du gouvernement et les ambassades des Etats-Unis et du Royaume-Uni. Malgré des mesures de sécurité très strictes, les rebelles ont marqué l'événement à leur façon. Des tirs de mortier ont fait vibrer les fenêtres de l'édifice. Une bombe a en partie détruit les bureaux du Baghdad Mirror, le seul hebdomadaire irakien en langue anglaise, sans faire de victime, et cinq soldats irakiens ont été tués dans un attentat-suicide à la voiture piégée à Baaqouba, au nord-est de la capitale. Avant de lever la séance, les députés ont prêté serment, puis se sont recueillis à la mémoire de toutes les victimes de la répression sous Saddam Hussein et en particulier des 5 000 Kurdes morts gazés dans le village de Halabja, il y a dix-sept ans, jour pour jour. La première tâche du nouveau Parlement consistera à élire à la majorité des deux tiers le chef de l'Etat et ses deux vice-présidents. C'est ce conseil présidentiel qui devra ensuite désigner à l'unanimité le Premier ministre. Iyad Allaoui, l'actuel détenteur du poste, a peu de chance d'être reconduit. L'alliance islamiste chiite qui dispose de la majorité absolue à l'Assemblée avec 146 sièges sur 275, a accepté de soutenir la candidature du leader kurde Jalal Talabani, chef de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), à la présidence. En échange, les 77 députés kurdes, rassemblés dans une coalition, sont prêts à confier à Ibrahim al-Jaafari, un islamiste modéré, la tête du gouvernement. Mais un accord entre les deux blocs bute toujours sur le sort de Kirkouk et de ses précieux champs pétroliers. Les Kurdes revendiquent cette ville stratégique dont ils ont été chassés du temps de Saddam Hussein et qu'ils considèrent comme la future capitale de leur région autonome. Ils refusent également d'intégrer dans l'armée régulière leur milice, ces quelques dizaines de milliers de peshmergas qui jusqu'à présent assurent seuls la garde de leur enclave. Ils souhaitent également disposer d'un droit de veto sur tout déploiement militaire dans leur région. Intérêts sunnites. Dans cette Assemblée qui sera essentiellement chargée de rédiger la future Constitution, les grands absents sont les sunnites. Après leur boycottage du scrutin, ils ne détiennent qu'une vingtaine de sièges. Hier, les députés ont tous souligné la nécessité d'associer cette communauté au processus politique en cours et de lui faire une place au sein du gouvernement. A cet effet, des leaders chiites et kurdes ont rencontré mardi plusieurs de ses représentants, dont le président sortant, Ghazi al-Yaouar, le libéral Adnane Pachachi et des responsables du Comité des oulémas. Pour défendre les intérêts des sunnites, Ghazi al-Yaouar a annoncé la création d'un comité de coordination entre ses cinq députés, le Parti islamique irakien, qui a boudé l'élection, et le mouvement d'Adnane Pachachi.