Mort de Joseph Rotblat

Mort Joseph Rotblat, farouche adversaire des armes nucléaires Le physicien Joseph Rotblat, Prix Nobel de la paix 1995 conjointement avec le mouvement des conférences Pugwash qu'il présidait, est mort, mercredi 31 août à Londres. Il était âgé de 96 ans. Seul scientifique à avoir quitté le projet Manhattan de construction de la bombe atomique avant la destruction d'Hiroshima en août 1945, il avait été distingué par le comité Nobel pour son engagement contre les armes nucléaires. Né le 4 novembre 1908 à Varsovie, Joseph Rotblat, après des études de physique, a travaillé dans un laboratoire de recherches en radiologie de cette ville, de 1933 à 1939. En 1939, il fuit l'invasion allemande et s'exile en Grande-Bretagne, à l'université de Liverpool. Sa femme, trop malade pour voyager, n'avait pas pu le suivre. Arrêtée par les nazis, elle mourut en camp de concentration. A Liverpool, le physicien avait commencé à étudier les conditions nécessaires à la réalisation d'une bombe atomique. Au début de 1944, ses travaux l'ont conduit à rejoindre, aux Etats-Unis, les scientifiques qui participaient au projet Manhattan. Mais, avant la fin de l'année, Joseph Rotblat décidait de quitter le centre Los Alamos (Nouveau-Mexique). L'immensité des efforts déployés par les Américains, disposant de moyens économiques intacts, l'avait convaincu que les Allemands, éprouvés par la guerre, seraient incapables de faire aboutir un tel projet. Rentré à l'université de Liverpool, Joseph Rotblat, devenu citoyen britannique en 1946, y a dirigé des recherches en physique nucléaire avant de devenir professeur de physique à l'université de Londres de 1949 à 1976. Il aura publié une trentaine d'ouvrages. Mais, il se sera surtout voué à l'action pour l'élimination des armes nucléaires. Les conférences Pugwash sur la science et les affaires mondiales qu'il a cofondées à cette fin, tirent leur nom d'un village canadien de Nouvelle-Ecosse où s'est tenue, en juillet 1957, la première réunion d'organisation. L'idée était née deux ans plus tôt, quand Joseph Rotblat avait signé, avec notamment Albert Einstein (1879-1955) et le philosophe britannique Bertrand Russell (1972- 1970), un manifeste mettant en garde les gouvernements contre les dangers de la course aux armements et appelant les scientifiques à lutter contre ce "danger nucléaire". Le mouvement Pugwash, basé à Londres, cherchait à convaincre les hommes de science d'assumer la responsabilité de leurs inventions. Pour cela, l'organisation se voulait avant tout un lieu de dialogue, réunissant à intervalles réguliers des experts de premier plan. Sur fond de guerre froide, les conférences prônaient la coopération scientifique Est-Ouest afin de prévenir les conflits. Elles favorisaient des contacts personnels entre savants de deux côtés du rideau de fer. Mais elles étaient aussi critiquées, en Occident, pour n'établir aucune distinction politique entre les deux superpuissances nucléaires. Aussi, l'attribution en 1995, après la fin de la guerre froide, du prix Nobel de la paix au mouvement Pugwash et à son principal promoteur avait-elle créé une certaine surprise. Le choix du comité avait été justifié par la volonté de marquer le cinquantième anniversaire du bombardement de Hiroshima. Mais il avait aussi été interprété comme une critique de l'annonce de la reprise des essais nucléaires français, quelques mois après l'élection de Jacques Chirac. Joseph Rotblat avait lui-même pris la plume pour demander au nouveau président de renoncer à son projet. Il avait reçu le prix Albert-Einstein en 1992, et avait été anobli par la reine Elizabeth II en 1998.