Mort de John Profumo

Mort John Profumo, ancien ministre britannique de la guerre Ancien ministre britannique de la guerre, et héros malheureux du plus grand scandale politique du XXe siècle au Royaume-Uni, John Profumo est mort à Londres jeudi 9 mars. Il était âgé de 91 ans. John Profumo eut deux vies à peu près d'égale durée : la première, agitée, prometteuse, et brisée par la disgrâce ; la seconde, méritante, digne, et infiniment discrète. Né le 30 janvier 1915 dans une famille fortunée venue de Sardaigne, il hérite du titre de baron, qu'il ne portera jamais. Eduqué à Oxford, il s'engage sous les drapeaux en 1939. Officier, il entre au Parlement en 1940. John Profumo est alors le plus jeune député. Tous ses amis de l'époque l'appellent "Jack". Il fait une "belle" guerre, notamment en Afrique, qu'il achève comme brigadier général et chef de la mission britannique au Japon. Elle lui vaudra d'être décoré de l'Ordre de l'empire britannique. En 1950, John Profumo réintègre les Communes. Pendant dix ans, il occupera plusieurs postes, dont le secrétariat aux affaires étrangères et le ministère des transports. Ambitieux, étoile montante du parti tory, il rêve de diriger la diplomatie du royaume. En attendant, il devient ministre de la guerre en juillet 1960 dans le gouvernement d'Harold Macmillan. Un an plus tard, le brillant ministre rencontre Christine Keeler, une call-girl qui exerce ses charmes dans la haute société londonienne. Il entretiendra une brève liaison passionnée avec cette jolie prostituée que lui a présentée un ostéopathe à la mode, Stephen Ward, mi-aventurier, mi-artiste. "Avec Profumo, c'était pour m'amuser, et aussi parce que sa fonction m'impressionnait, dira beaucoup plus tard Christine Keeler. Mais il était trop vieux pour moi." A la fin de 1962, les rumeurs sur cette liaison, pourtant achevée, courent au Parlement et dans Fleet Street, le quartier des journaux. L'affaire Profumo éclate. Par malchance pour le ministre, Christine Keeler compte parmi ses amants tarifés un certain Eugene Ivanov, attaché naval et espion soviétique à Londres. On est en pleine guerre froide, et l'establishment frémit à l'idée que Profumo ait pu confier à sa belle quelque secret d'Etat sur l'oreiller. Un soupçon dont le très patriote ministre sera plus tard totalement lavé par une enquête officielle. LE TEMPS DE LA RÉDEMPTION Le 22 mars 1963, John Profumo déclare aux députés n'avoir jamais commis aucune "inconvenance" dans sa relation avec son ancienne hétaïre. Il ment dans l'enceinte du Parlement, sacrilège suprême. La presse ne le lâche pas, et, quelques semaines plus tard, publie les révélations de Christine Keeler où celle-ci abonde de détails sur ses liaisons avec Profumo et Ivanov. Le 4 juin 1963, le ministre démissionne et avoue aux députés les avoir trompés pour protéger sa famille. En réalité, lors d'un voyage à Venise, John Profumo avait confié sa faute à sa femme, la star de cinéma Valerie Hobson, qui lui gardera loyauté et soutien. L'affaire Profumo, qui dura six mois, contribuera au départ de Macmillan, remplacé par Sir Alec Douglas-Home, et coûtera le pouvoir aux conservateurs. John Profumo commence alors sa seconde vie, sous le signe de la rédemption. Quelques jours après sa démission, il se présente au centre social de l'organisation caritative Toynbee Hall, dans l'East End londonien, et propose de faire la vaisselle. Pendant quarante ans, il usera de ses relations pour lever des fonds en faveur de cette association, avec l'aide de sa femme, jusqu'à la mort de cette dernière, en 1998. John Profumo n'évoquera plus jamais publiquement l'affaire, qui inspirera un film en 1989 (Scandal). Il sortira de l'oubli une ou deux fois, à son avantage. En 1975, il est décoré pour ses activités sociales. En 1995, l'ancien premier ministre Margaret Thatcher l'invite à son 70e anniversaire, l'appelle "un de nos héros nationaux" et l'assied près de la reine. Réhabilité, John Profumo reçoit un nouvel hommage en mai 2003, lorsqu'une motion présentée au Parlement rappelle qu'il est le dernier survivant parmi les 41 députés conservateurs qui, en mai 1940, se sont rebellés contre leur parti en refusant la politique d'apaisement envers Hitler prônée par le premier ministre de l'époque, Neville Chamberlain. Une preuve supplémentaire que le pays avait pardonné à celui qui avait depuis longtemps racheté sa faute.