Mort de John McGahern
Mort John McGahern, écrivain irlandaisLa présidente d'Irlande en personne, Mary McAleese, a rendu hommage à l'écrivain John McGahern, mort d'un cancer à Dublin, jeudi 30 mars, à l'âge de 71 ans.Qu'aurait-il pensé, cet homme ironique et pacifique, s'il avait pu entendre la plus haute autorité saluer la manière dont ses livres avaient aidé les Irlandais à se "comprendre (...) en tant que peuple" ? Que l'histoire a de drôles de manières, sans doute : né à Dublin le 12 novembre 1934, d'un père officier de police et d'une mère institutrice, John McGahern a enduré les foudres de la censure à partir de 1965, date de parution de son roman L'Obscur (Le Livre de poche n° 3281), où il mettait en scène un père abusant de son fils adolescent.Enseignant dans une école primaire, l'écrivain prometteur, qui avait été reconnu dès son premier roman, La Caserne (paru en Irlande en 1963 et traduit en français en 1986, par les Presses de la Renaissance), s'était très vite trouvé dans l'impossibilité d'exercer normalement son métier.La pression morale et religieuse qui régnait alors en Irlande l'avait contraint de quitter le pays pour la France, l'Espagne, l'Angleterre et enfin les Etats-Unis. A l'époque, il avait refusé l'offre faite par Samuel Beckett, autre écrivain irlandais, de s'associer à une pétition de soutien. Parti en 1966, il ne revint pas avant 1975 et s'installa finalement dans une petite ferme du comté de Leitrim, la région où il avait grandi.INTIMITÉ DES ÊTRESConsidéré comme l'une des voix importantes de la littérature irlandaise, John McGahern a très peu écrit - six romans, quatre recueils de nouvelles et un livre de Mémoires, tous textes qu'il perfectionnait à l'infini, cherchant inlassablement la forme juste. Dès ses premiers romans, où perçaient des éléments autobiographiques, John McGahern avait choisi sa manière de s'exprimer : un ton précis, où l'intimité des êtres avait une très large part.L'Irlande rurale, celle où il avait passé sa jeunesse, forme le décor de la plupart de ses récits. Un environnement où la rigidité morale, conjuguée aux rigueurs économiques, plonge les êtres dans des tourments que l'auteur a rendus avec finesse et une certaine forme de fatalité, qui n'exclut pas l'ironie.Dans Journée d'adieu (Presses de la Renaissance, 1983), par exemple, où pointent fortement les données autobiographiques (un enseignant poussé à démissionner pour avoir épousé une divorcée), mais aussi dans Le Pornographe, qui lui valut encore des démêlés avec la censure irlandaise au moment de sa parution, en 1979 (Albin Michel, 1996), dans Entre toutes les femmes (10-18 n° 2579) et dans son dernier roman, paru en 2003, Pour qu'ils soient face au soleil couchant (Albin Michel).Outre ses recueils de nouvelles, parmi lesquels Lignes de fond (Mercure de France, 1971), Les Huîtres de Tchekhov (Presses de la Renaissance, 1992) et Les Créatures de la terre (Albin Michel, 1996), et ses romans, John McGahern avait écrit des pièces pour la radio et pour la télévision.