Mort de Jesus Blancornelas

Mort Jesus Blancornelas, journaliste mexicain Neuf ans après avoir échappé aux balles des narcotrafiquants qu'il a combattus avec courage, le journaliste mexicain Jesus Blancornelas est mort des suites d'une maladie chronique, jeudi 23 novembre, à Tijuana (Basse-Californie). Il était âgé de 70 ans. Cet homme frêle avait reçu il y a quelques mois le Prix national du journalisme sous les acclamations de ses collègues réunis au World Trade Center de Mexico. En avril, invoquant l'âge et la fatigue, il avait transmis à son fils, René Blanco, ses fonctions de directeur de l'hebdomadaire Zeta ("Z"), fondé en 1980 et devenu une référence dans la lutte contre le trafic de drogue et la corruption des puissants. Né le 13 novembre 1936 à San Luis Potosi, Jesus Blancornelas s'établit dès 1968 en Basse-Californie, une région d'autant plus perméable aux trafics qu'elle est limitrophe des Etats-Unis. En 1977, il lance le journal ABC, dont les enquêtes et les éditoriaux dépassent vite ce qui était considéré comme acceptable, à une époque où le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) exerce un contrôle quasi absolu sur les médias. Le gouverneur ayant suscité contre lui une "grève", Blancornelas perd son journal, puis refait surface avec un hebdomadaire auquel il donne cette fois comme nom la dernière lettre de l'alphabet. Il s'intéresse aux activités du "cartel de Tijuana", dirigé par les frères Arellano, et à celles de Jorge Hank, l'entrepreneur le plus riche de Tijuana, aujourd'hui maire de cette ville-frontière. En avril 1988, le journaliste Hector Felix, cofondateur et éditorialiste de Zeta, est abattu par des hommes de main de Hank. Chaque semaine, depuis lors, Blancornelas a publié au nom de son ami disparu une page posant la même question : "Jorge Hank, pourquoi ton garde du corps Antonio Vera m'a-t-il assassiné ?" ATTENTAT Le 27 novembre 1997, c'est au tour de Blancornelas d'être mitraillé. Blessé de quatre balles, il est sauvé par son ami et garde du corps Luis Lauro, tué dans l'attentat, attribué au clan Arellano. En juin 2004, un autre de ses collaborateurs, Francisco Ortiz, est mitraillé dans sa voiture sous les yeux de ses enfants. Blancornelas n'a jamais plié, mais, lors d'une de ses dernières interviews, il confiait sa lassitude de devoir vivre entouré d'une escorte militaire, barricadé dans sa propre maison. Il exprimait aussi le désir de rencontrer Enedina Arellano, actuelle dirigeante du cartel de Tijuana - et l'une des seules femmes à avoir atteint cette position dans le monde des "narcos" -, qu'il soupçonnait d'avoir mis à prix sa tête pour 250 000 dollars. Jesus Blancornelas ne se laissait pas impressionner par le politiquement correct. Il a réfuté dans ses enquêtes des thèses admises par la presse de gauche, notamment sur l'assassinat, en 1994, du candidat du PRI à la présidence, Donaldo Colosio, victime, selon lui, d'un meurtrier solitaire, et non d'un complot ourdi par le président Carlos Salinas. Sa carrière reste exemplaire au Mexique, où vingt journalistes ont été tués depuis 2000 - dont sept pour la seule année en cours -, selon toute probabilité par des groupes de narcotrafiquants, aujourd'hui en pleine expansion.