Mort de Jeane Kirkpatrick
Mort Jeane Kirkpatrick, première femme américaine ambassadrice auprès de l'ONUPremière femme américaine ambassadrice auprès de l'ONU et principale architecte de la politique étrangère vigoureusement anticommuniste du président Ronald Reagan, Jeane Kirkpatrick est morte à son domicile de Bethesda, dans la proche banlieue de Washington, jeudi 7 décembre, à l'âge de 80 ans.Née Jeane Duane Jordan le 19 novembre 1926 à Duncan (Oklahoma), elle s'engage d'abord aux côtés du Parti socialiste américain dans sa jeunesse, puis devient membre du Parti démocrate dans les années 1970 après avoir obtenu un doctorat de science politique à l'université Columbia. En 1976, Jeane Kirkpatrick soutient Jimmy Carter lors de la campagne présidentielle. Déçue par le gouvernement démocrate, considérant qu'il ne défend pas suffisamment "la croissance du pays et une position de force sur la scène internationale", elle se rapproche des mouvements conservateurs.En 1978, Jeane Kirkpatrick rejoint l'American Enterprise Institute, l'un des principaux cercles de réflexion néoconservateurs. En public, elle défend avec force l'idée d'une Amérique hégémonique dans un monde soumis à de fortes tensions. Un an plus tard, elle rédige un long article intitulé "Dictatures et doubles standards", publié par la revue Commentary. Véritable philippique contre l'administration Carter, elle y accuse le gouvernement de vouloir faire chuter des régimes autoritaires non communistes d'Amérique latine alors qu'il reste, selon elle, passif face à l'expansion du bloc de l'Est.Il n'y a pas d'exemple, soutient-elle, de "société communiste qui se soit démocratisée", contrairement aux "autocraties de droite, qui se transforment parfois en démocraties", et restent, "de toute évidence", plus "compatibles avec les intérêts américains". Cette doctrine irriguera profondément les courants conservateurs. On dit que Ronald Reagan fut subjugué à la lecture du magazine. "Qui est cette personne ?", aurait-il demandé. George Will, célèbre éditorialiste, organisa leur première rencontre.En 1980, Jeane Kirkpatrick choisit de soutenir le candidat républicain. Après sa victoire, le président Ronald Reagan la nomme aux Nations unies, faisant d'elle la seule femme - et l'unique démocrate - au Conseil de sécurité national. Sa voix sera déterminante. Ses choix, le plus souvent, prépondérants. En Amérique centrale, elle soutient la junte militaire au Salvador. Elle aide financièrement les rebelles antisandinistes au Nicaragua. Ailleurs, elle défend l'invasion du Liban, en 1982, par Israël et le débarquement américain, en 1983, à la Grenade, couvre des opérations contre la Libye, soutient les forces rebelles en Afghanistan.Ronald Reagan loue sa manière forte et son langage peu diplomatique dès que les Etats-Unis font l'objet de critiques. Elle dit détester l'institution onusienne, qu'elle compare "à la mort et à l'impôt". Un jour, elle qualifie la Déclaration universelle des droits de l'homme de l'ONU de "lettre au Père Noël". Jeane Kirkpatrick reste pourtant à son poste jusqu'en 1985, date à laquelle elle rejoint le Parti républicain. Elle passera le reste de sa carrière à conseiller les Républicains en matière de renseignement et de défense. Elle retournera également enseigner les sciences politiques à l'université Georgetown, à Washington.Avec sa chevelure grise, ses habits standards et son franc-parler, Jeane Kirkpatrick renvoyait l'image d'une femme austère et sans humour. "Ses sourcils en pointe semblent traduire un profond scepticisme, comme si elle vivait un débat décisif que nous autres n'entendons pas", dira d'elle le journaliste du Washington Post James Conaway. "C'était une grande Américaine, une grande ambassadrice des Etats-Unis ici à l'ONU", a déclaré, au bord des larmes, l'ambassadeur sortant John Bolton, l'un des faucons de l'administration américaine et considéré comme son fils spirituel.