Mort de Jean-Luc Cazettes

Mort Jean-Luc Cazettes, président de la Confédération française de l'encadrement-CGC Le syndicaliste Jean-Luc Cazettes est mort d'un cancer, samedi 10 septembre. Il était âgé de 61 ans. Unanimes, ses homologues syndicalistes, le président de la République, le chef du gouvernement, le ministre de la cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, et le ministre délégué à l'emploi, Gérard Larcher, notamment, ont salué un homme "d'engagement et de conviction" qui a su, durant trente années de militantisme, allier une volonté d'efficacité et un sens aigu de la convivialité. S'il était un homme chaleureux, Jean-Luc Cazettes, possédait aussi le sens de la formule et ne mâchait pas ses mots. Dans les derniers mois, avant qu'il ne soit contraint d'abandonner ses activités, la voix du président de la Confédération française de l'encadrement-CGC (CFE-CGC), de plus en plus rauque des nombreuses cigarettes fumées, mettait encore en garde le gouvernement contre la situation faite aux cadres. FIN NÉGOCIATEUR Né le 6 novembre 1943 à Alger, où il a fait des études d'économie, Jean-Luc Cazettes commence sa carrière professionnelle dans les années 1960 dans le secteur des assurances. Il rejoint le groupe pétrolier Antar en 1972, qui sera racheté par Elf France en 1976. En 1973, Jean-Luc Cazettes adhère à la Confédération générale des cadres (CGC) et devient délégué syndical un an plus tard. "Pour répondre à la demande d'un partenaire de tennis de lui succéder dan s ses respon sabi lités de délégué central d'entreprise", confiait-il, dans un ouvrage consacré à la confédération des cadres Qu'est-ce que la CFE-CGC (L'Archipel, 2002) qu'il a co-écrit. "Formé sur le tas", ainsi qu'il l'expliquait lui-même, Jean-Luc Cazettes gravit rapidement les échelons du syndicat et devient un dirigeant fin négociateur et excellent connaisseur du monde syndical et patronal. Secrétaire général des cadres du pétrole et membre du comité confédéral de la CGC en 1975, délégué central pour l'ensemble du groupe Elf Aquitaine dix ans plus tard, Jean-Luc Cazettes accède en 1987 à la présidence du syndicat des cadres du pétrole. Très au fait des dossiers sociaux, il prend en charge ceux de la retraite en 1990, puis de la protection sociale en 1992. La Confédération générale des cadres (CGC), créée le 15 octobre 1944, devient Confédération française de l'encadrement-CGC (CFE-CGC) en mai 1981, lors de son 25e congrès. Jean-Luc Cazettes arrive à sa tête lors du 31e congrès, à Tours, le 8 juin 1999. "Non raisonnable", comme il aime à se dépeindre alors, il revendique, dans son "Programme d'orientation pour la présidence de la CFE-CGC", pour "les cadres, les techniciens, les agents de maîtrise, tous les professionnels de ce pays, le droit au rêve, le droit à l'utopie". Refusant de n'être qu'un "président de transition", il est réélu lors du congrès d'Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), le 6 novembre 2003. Homme de droite, Jean-Luc Cazettes a rejoint le RPR en 1978 et a été maire adjoint de Saint-Gratien (Val-d'Oise), une ville de 20 000 habitants. Ce qui ne l'a pas empêché de manifester souvent son mécontentement vis-à-vis des derniers gouvernements. Il faisait même de cette proximité un argument, les menaçant souvent de possibles sanctions électorales. Le dernier congrès en date, celui de 2003, lui en avait encore offert l'occasion. Jean-Luc Cazettes avait alors attaqué le ministre du travail François Fillon et sa réforme du dialogue social, en la qualifiant de "dialogue social bolchevique". Invité par la confédération, le premier ministre Jean-Pierre Raffarin avait alors rendu hommage à l'action de la CFE-CGC, à son "courage, sa lucidité et sa combativité", la remerciant ainsi pour son soutien à la réforme des retraites du printemps 2003, que le syndicat avait finalement approuvée avec la CFDT. Malgré les propos apaisants du chef du gouvernement, Jean-Luc Cazettes avait alors prévenu : "Nous n'avons pas le pouvoir de nuisance de bloquer des trains, mais on a un petit pouvoir de nuisance au niveau électoral." CONTRE LA DIRECTIVE BOLKESTEIN Tout dernièrement encore, à l'occasion du référendum sur le traité constitutionnel européen de juin, à la surprise de beaucoup, y compris au sein de sa propre organisation, Jean-Luc Cazettes appelait à voter non. Vent debout contre la directive Bolkestein sur la libéralisation des services en Europe, le président de la CFE-CGC avait menacé dès le mois de février de s'"engager clairement, fermement, avec ardeur et conviction, dans une campagne pour le non". Soucieux de transformer son organisation en instrument de lutte pour les cadres, il aura tenté, dès les débuts de sa présidence, de changer l'image de la CFE-CGC et de la mettre "au centre" de l'échiquier syndical. Si l'organisation des cadres passait pour conciliante vis-à-vis du patronat et plutôt conformiste, Jean-Luc Cazettes résumait : "Il y a belle lurette qu'on n'adhère plus à la CGC pour bouffer du cosaque." Au terme de "lutte", il préférait celui d'"implication". Le triptyque de l'action syndicale se résumant ainsi à ses yeux : "Comprendre et faire comprendre, participer, s'impliquer." Toujours soucieux de mettre en avant la dégradation de la situation faite aux cadres, jusqu'au bout, Jean-Luc Cazettes n'a pas ménagé sa peine sur l'ensemble des dossiers qu'il étudiait avec soin : "stress", "représentativité et démocratie syndicale", "temps de travail", "retraites", "fiscalité", "éthique", etc. Lors des dernières en date des élections prud'homales, en décembre 2002, la CFE-CGC, alors en pleine perte de vitesse, a retrouvé quelques couleurs en augmentant de 1,1 % ses voix, passant à 7 %. Avec quelque 140 000 adhérents, la "petite" CFE-CGC est la "première organisation des entreprises du CAC 40", aimait à proclamer Jean-Luc Cazettes.