Mort de Jean-Loup Herbert

Mort Jean-Loup Herbert, anthropologue converti à l'islam L'anthropologue Jean-Loup Herbert est mort, jeudi 6 janvier, des suites d'un cancer. Agé de soixante ans, il avait passé de nombreuses années en Amérique du Sud, marquées par un engagement guévariste. Il a d'abord défendu la cause des droits des Indiens et publié, en 1972, un livre intitulé Indianité et lutte des classes (10/18). Il s'est passionné pour l'œuvre de Lucio Costa, urbaniste qui a dessiné le plan de Brasilia, la nouvelle capitale du Brésil. Dans un recueil de textes qu'il lui a consacré, Lucio Costa, XXe siècle brésilien, témoin et acteur (université de Saint-Etienne), il qualifiait celui-ci de "poète pragmatique", qui a cherché durant sa vie à briser "ce faux équilibre dans lequel nous vivons, cette coexistence choquante, acceptée comme normale, de la misère absolue avec l'abondance exorbitante". Pour Jean-Loup Herbert, en effet, l'architecture allait de pair avec une vision spirituelle de la société. Cet ancien élève de l'Institut d'études politiques de Lyon était professeur à l'Ecole d'architecture de Saint-Etienne. Il vivait lui-même avec sa famille dans l'"unité d'habitation" construite par Le Corbusier à Firminy (Loire). Spécialiste de l'architecte suisse, il avait organisé, en septembre 2004, un colloque qui avait pour titre "Le Corbusier messager", à l'occasion des 70 ans du pavillon suisse de la Cité internationale universitaire de Paris. Jean-Loup Herbert était connu par ailleurs comme un "intellectuel musulman". Il s'était converti à l'islam à la suite d'un voyage en Iran. "Son tiers-mondisme s'est transformé progressivement en quête spirituelle vers l'islam", témoigne l'universitaire strasbourgeois Eric Geoffroy. "Jean-Loup Abdelhalim Herbert" avait soutenu, dans un premier temps, la révolution iranienne. ORTHODOXIE SUNNITE Dans un article publié en avril 1984 dans Le Monde diplomatique, il s'enthousiasmait pour le régime khomeiniste, dans lequel il voyait "la force mobilisatrice d'une spiritualité". Le professeur d'architecture n'était pas chiite pour autant. Il était d'une stricte orthodoxie sunnite, tout en entretenant de bonnes relations avec de nombreux convertis soufis. C'est ainsi qu'il a travaillé sur une traduction et des commentaires du Coran avec Maurice Gloton, qui s'inscrit dans la grande lignée du soufisme français, illustré par des figures comme Eva de Vitray-Meyerovitch. Jean-Loup Herbert avait cosigné avec lui, dans le mensuel La Médina, un article intitulé "Travailler dans le Coran". Malgré ses sympathies de jeunesse, l'anthropologue n'a jamais été tenté par l'islamisme politique. A partir des années 1990, il a assuré une présence bienveillante et souriante de "grand frère" auprès de la communauté musulmane de France. Plusieurs cadres associatifs rapportent que le "frère Abdelhalim" les calmait souvent et les invitait à la patience, face à la mise en place imparfaite des instances représentatives de l'islam. Maurice Gloton estime, pour sa part, que "Jean-Loup Herbert méritait bien son prénom de Halim, qui signifie "le longanime" en arabe". Au cours de ces dernières années, Jean-Loup Herbert a donné de nombreuses conférences dans les colloques organisés par les associations musulmanes, sur des thèmes tels que l'altermondialisme, les relations internationales ou encore l'histoire de la pensée musulmane. Xavier Ternisien