Mort de Jean-Jé" ColonnaToute la Corse
Mort Jean-Jé" ColonnaToute la Corse connaît le nom de "Jean-Jé" Colonna, mais rares sont ceux qui auraient pu reconnaître ce petit homme chauve à l'allure passe murailles et aux lunettes fumées. Toute l'île a toujours bruissé, craintive, de la légende de cette figure de la pègre corso-marseillaise, sans connaître son visage : il y a quatre ans encore, on ne possédait de lui que sa photo anthropométrique des services de police...Jean-Baptiste Jérôme Colonna, dit "Jean-Jé", est mort à 67 ans, le 1er novembre 2006, jour de la Toussaint, dans un accident de voiture, sur la route qui menait de son lieu d'habitation, Abartello, jusqu'à Porto-Pollo, dans le golfe du Valinco, en Corse-du-Sud. La petite voiture qu'il conduisait a percuté un parapet avant de s'enflammer. Une enquête a été ouverte par le procureur de la République d'Ajaccio, confiée à la gendarmerie, et une autopsie demandée. La victime avait connu une alerte cardiaque trois jours plus tôt.Un événement marque, à vie, la jeunesse de "Jean-Jé" Colonna. En 1955, il a 16 ans, son père, marchand d'huile, est abattu sous ses yeux, à Ajaccio, de deux balles dans la tête. "Le soleil est devenu noir et nous sommes entrés dans le malheur", racontait-il en août 2002 dans un long entretien au mensuel Corsica.Replié à Marseille avec sa mère, préposée des PTT, il apprend que quatre des assassins de son père courent toujours. Avec des amis du "milieu" marseillais, il choisit de les éliminer méthodiquement, jusqu'au dernier, en 1972.Il est alors impliqué dans une grosse affaire de trafic de drogue. Emprisonné aux Baumettes, en 1975, il jure, à peine arrivé, d'en sortir au plus vite. Six mois plus tard, il se poignarde, se voit transféré à l'infirmerie pénitentiaire de la Timone et, au terme d'une rocambolesque évasion, s'enfuit. Direction : l'Amérique latine, afin d'échapper au mandat d'arrêt international lancé contre lui. C'est sa première cavale. Dix ans durant lesquels il s'enrichit, exploitant une mine d'étain, montant une briqueterie en Amazonie - sans rater un Noël avec ses trois enfants.En 1985, les faits de trafic de drogue pour lesquels il avait été condamné en 1978 à 18 ans de prison - sans que son procès en appel n'ait jamais eu lieu - sont prescrits. "Jean-Jé" peut retrouver "son" village, Pila Canale, théâtre d'une homérique lutte de clans entre les Colonna et les Feliciaggi.L'oncle de "Jean-Jé", Jean Colonna, jambes cisaillées en 1955 par des rafales de mitraillette, siégeait à la mairie en fauteuil roulant plutôt que de laisser sa place. En signe d'apaisement, "Jean-Jé" offre en 1994 la mairie à son ami Robert Feliciaggi, patron de casinos en Afrique et figure de l'Assemblée de Corse - et assassiné, en mars de cette année, devant l'aéroport d'Ajaccio.En 1998, une commission d'enquête parlementaire présidée par Jean Glavany soupçonne Colonna d'"entretenir un certain nombre d'activités autour de l'hôtellerie, des jeux et des boîtes de nuit dans le secteur d'Ajaccio". Le rapport le désigne comme "le seul parrain corse" encore "actif et influent". L'intéressé - au casier judiciaire vierge - dément vigoureusement, s'agaçant surtout de devoir comparaître en justice pour un emploi fictif dans un hôtel et dans deux supérettes gérées par son épouse, Arlette.Il repart en cavale - beaucoup moins loin, beaucoup moins clandestinement. Le 17 juin 2004, surprise, il met fin à une retraite de deux ans et se présente à la barre du tribunal correctionnel d'Ajaccio pour détailler ses talents de "M. Bricolage", de "Super-dépanneur" et de jardinier hors pair, et défendre la réalité de son emploi.Condamné à trois ans de prison dont six mois ferme et à 330 000 euros d'amende, il s'était pourvu en cassation. Et, en attendant, pêchait au gros, chassait le sanglier et le pigeon, avant de retrouver le soir son logis d'Abartello, au-dessus de la fameuse supérette de sa femme.