Mort de Jean-Claude Guiguet
Mort Jean-Claude Guiguet, cinéasteCinéaste peu connu du grand public, à l'oeuvre parcimonieuse, mais au talent précieux, Jean-Claude Guiguet est mort, samedi 17 septembre, des suites d'un cancer à l'hôpital d'Aubenas. Né le 22 novembre 1948 à La Tour-du-Pin (Isère), ce montagnard féru de littérature (il fut critique à La Nouvelle Revue Française) et de musique entra en cinéma sous la tutelle de deux auteurs aussi singuliers que lui, à titre d'assistant chez Paul Vecchiali (Change pas de main, 1975) et de décorateur-costumier chez Jean-Claude Biette (Le Théâtre des matières, 1977).Le travail et l'amitié qui le placent en compagnie de ces deux cinéastes témoignent, à eux seuls, de leur commune appartenance à un paysage très particulier du cinéma français, ancré dans les années 1970 : celui d'une économie de fortune, oeuvrant plus ou moins en marge du système, et mise au service d'une variation tout à la fois personnelle, cinéphilique et politiquement subversive d'un cinéma classique passionnément aimé.Quatre longs métrages seulement sont ainsi à porter à son crédit en vingt ans de ce que l'on hésite à nommer une carrière. Les Belles Manières (1978) met en scène un jeune ouvrier passé au service d'une bourgeoise et de son fils, claustré volontaire. Redoublant la différence de classe des personnages, un maçon au chômage (Emmanuel Lemoine) et une actrice de théâtre (Hélène Surgère, devenue entre-temps l'égérie de Paul Vecchiali) y interprètent les personnages principaux.Faubourg-Saint-Martin (1986) fait de la même manière cohabiter trois femmes malmenées par la vie qui louent une chambre au mois dans un hôtel parisien ordinairement fréquenté par des touristes fortunés. Le Mirage (1992), qui se déroule sur les rives du lac Léman, met en scène les feux renouvelés d'une femme mûre, ancienne cantatrice et mère de deux enfants, pour un jeune homme américain qui est le professeur de son fils.Les Passagers (1999) est un film choral, libre et insolite, tout à la fois concerté et ouvert au hasard, dont la narratrice est la passagère d'un tramway de banlieue qui égrène les maux de notre société sans jamais fermer la porte à la promesse d'un monde plus épris de jouissance.Tout le cinéma de Jean-Claude Guiguet est ainsi fondé sur le frémissement sensuel, l'antinaturalisme, la farouche volonté de faire du désir cette force incongrue permettant d'abolir le gouffre du temps (les femmes d'âge mûr, l'âge classique du cinéma) comme les interdits tant esthétiques que sociaux. Cet utopiste délicat conçut son oeuvre discrètement, à l'image de cette mort qui continue avec lui sans bruit de clairsemer - après les disparitions de Jean-Claude Biette et d'Humbert Balsan - les rangs d'une génération décidément trahie par l'Histoire.