Mort de Jean Carrière

Mort Jean Carrière, prix Goncourt en 1972 - L'écrivain Jean Carrière, lauréat du prix Goncourt en 1972, est mort dans la nuit du samedi 7 au dimanche 8 mai, à l'âge de 73 ans à Nîmes (Gard). Né dans cette même ville en 1928, fils d'un chef d'orchestre et d'une pianiste, il se mit à écrire à l'âge de 15 ans, et plus encore après avoir lu, rencontré et fréquenté Jean Giono à Manosque. "Monté à Paris" en 1953, Jean Carrière est d'abord critique musical puis chroniqueur littéraire à l'ex-ORTF. En 1967, il obtient dès son premier roman, Retour à Uzès (La Jeune Parque), le prix de l'Académie française. Cinq ans plus tard, c'est le Goncourt qui vient couronner son deuxième roman, L'Epervier de Maheux (Jean-Jacques Pauvert). Dans la lignée de Giono, dépassant l'étroit régionalisme, il dépeint les Cévennes et ses paysans avec une sombre et austère grandeur. "La Cévenne que je décris est une Cévenne réelle. Il est permis à un peintre d'agir avec sa sensibilité et ses techniques" , avait-il alors affirmé. Mais ce prix, et surtout l'énorme et inattendu succès qui l'accompagne (près de deux millions d'exemplaires vendus, grâce à de constantes réimpressions et à des traductions en quatorze langues), vont changer sa vie. Dépression profonde, ruptures et dérèglement vont constituer le prix élevé que devra acquitter le lauréat de la prestigieuse récompense. "Quand je revois les séquences prises à l'instant où le succès s'abattait sur moi, expliqua-t-il à notre consoeur Raphaëlle Rérolle, qui lui rendit visite il y a deux ans, le malaise que je ressens me montre quelle erreur j'ai commise en ne restant pas terré au fin fond de mon Sud" (Le Monde du 29 août 2003). Grand admirateur de Julien Gracq, avec lequel il entretenait une correspondance (et qui avait, lui, refusé le même prix en 1951 !), il déclarait encore, plus de trente ans après ce funeste Goncourt : "Chaque fois que je relisais La Littérature à l'estomac, j'avais honte." Revenu dans son Gard natal, il tentera d'exorciser cette histoire douloureuse dans Le Prix d'un Goncourt (Laffont/Pauvert, 1987). Toute cette affaire occulta, et sans doute injustement, le reste de sa production littéraire, qui fut pourtant soutenue, et même de plus en plus : La Caverne des pestiférés (deux tomes, Pauvert, 1978-1979), Les Années sauvages (Laffont/Pauvert, 1986), L'Indifférence des étoiles (Laffont, 1994), Achigan (Laffont, 1995), L'Empire des songes (Laffont, 1997), Un jardin pour l'éternel (Laffont, 1999), Le Fer dans la plaie (Laffont, 2000), Feuilles d'or sur un torrent (Laffont, 2001), Passions futiles (La Martinière, 2004). Il est également l'auteur d'un ouvrage sur une actrice qui le fascinait étrangement (Sigourney Weaver, portrait et itinéraire d'une femme accomplie, La Martinière, 1994), mais aussi d'essais sur les Cévennes et surtout sur les deux écrivains les plus importants à ses yeux, avec Steinbeck et Ramuz : Jean Giono (La Manufacture, 1985), avec lequel il s'entretint à la radio en 1965 (réédité par l'INA, 1994) et Julien Gracq (La Manufacture, 1986). Enfin, il publia un livre d'entretiens avec Maurice Chavardès, Le Nez dans l'herbe (La Table ronde, 1981).