Annonce JAPON Pour économiser l'énergie et lutter contre le réchauffement climatique Les cols blancs tombent la veste à Tokyo Veste et cravate sont prohibées pendant l'été à Tokyo. Hier, la médiatique ministre de l'Environnement, Yuriko Koike, a donné le coup d'envoi de «Cool Biz», un programme qui engage les cols blancs de Tokyo à se débarrasser de leurs tristes costumes pendant la saison chaude. Le premier ministre lui-même, Junichiro Koizumi, a donné l'exemple en donnant sa conférence de presse quotidienne en chemisette d'Okinawa. Il a interdit à ses ministres de porter une cravate. Cet effort vers la nonchalance, qui heurte profondément la culture d'entreprise au Japon, est motivé par une bonne cause : la lutte contre le réchauffement climatique. En été à Tokyo, la température, très élevée, monte encore depuis quelques années, en raison des rejets d'air chaud des climatiseurs dans l'atmosphère. L'été dernier, la capitale a connu 41 pics de température supérieurs à 25 degrés, contre 5 il y a cent ans. Le gouvernement espère qu'en desserrant la cravate les cadres auront moins recours à la «clim». La mesure est moins anecdotique qu'elle n'en a l'air. L'Archipel est en retard pour atteindre les objectifs ambitieux fixés lors de la signature du protocole de Kyoto, en 1997, destiné à lutter contre le réchauffement de la planète. Le Japon avait promis de diminuer d'au moins 6% les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 ; or ce niveau a encore augmenté depuis. «Nous avions fait beaucoup d'efforts dans les années 80, et nous nous sommes imposé cet effort supplémentaire. Mais nous pouvons encore réussir», assure Kazumasa Kusaka, vice-ministre des Affaires internationales du Meti. Les Japonais suivront-ils le mouvement ? Un rapide coup d'oeil hier dans le quartier des ministères montrait que seulement un fonctionnaire sur cinq, environ, s'était soumis au diktat vestimentaire du gouvernement. Les Japonais avaient déjà été encouragés à tomber la veste pendant le deuxième choc pétrolier, pour économiser de l'énergie, en 1979. La mesure avait fait long feu. L'étiquette est telle au Japon que le port de la cravate reste de rigueur. De surcroît, le costume doit être gris ou noir. L'ostentation est toujours suspecte pour un cadre japonais, et a fortiori pour un chef d'entreprise. Les patrons nippons portent les mêmes costumes mal taillés que leurs troupes, par esprit de corps. Ils auraient honte d'être élégants. Une vertu qui fait la misère des marchands de griffes pour homme au Japon. «Chez nous, tout est codifié et uni : c'est noir ou bleu foncé pour les costumes. Même la couleur des cheveux est imposée !», raconte le patron étranger d'un grand hôtel à Tokyo. Quelques hommes politiques ont tenté de brèves incursions dans le laisser-aller. Dans l'opposition, le populaire Naoto Kan avait ouvert le col de sa chemise à l'approche des élections législatives de 2003 pour séduire l'électorat féminin. Ce fut peine perdue. Le conservateur Shizuka Kamei, à l'autre bout du spectre politique, avait changé d'allure pour adoucir son image. Lui aussi ne recueillit pas de grand succès. «Il y a quelques années, un chef de division a lancé l'idée des «casual Fridays», pendant lesquels on ne porterait pas de cravate : ça a fait rire pendant deux heures», persifle un haut fonctionnaire de la Banque du Japon. Lui n'enlèvera la cravate que par la force des baïonnettes. «Il faut montrer un homme qui ne porte pas de cravate mais mène sa destinée», plaide le célèbre auteur de mangas économiques Kenshi Hirokane. Le col blanc héros de sa nouvelle série ne porte pas de cravate. Fera-t-il école ?
