Annonce JAPON A quinze jours d'élections législatives anticipées Koizumi secoue le paysage politique japonais La campagne des élections législatives japonaises ne commence officiellement que mardi prochain, mais les partis sont déjà entrés dans la course avec une virulence inouïe. En dissolvant la Chambre basse le 8 août, après s'être vu retoquer son projet de loi de privatisation de la Poste au Sénat, Junichiro Koizumi a provoqué un séisme qui devrait entraîner la recomposition complète du paysage politique japonais. Le premier ministre a habitué son auditoire aux surprises, à commencer par celle de son élection triomphale en 2001, à la barbe de la vieille garde du parti. «Il n'est jamais là où on l'attend. Il est d'une habileté redoutable», affirme, admiratif, le politologue Hiroshi Ueki. «C'est un homme qui se balade avec un bidon d'essence et une boîte d'allumettes, au cas où», résume d'une formule l'ex-premier ministre Yoshiro Mori. Junichiro Koizumi a d'abord mis le feu à son propre parti, le PLD (Parti libéral démocrate), au pouvoir de manière quasi ininterrompue depuis 1955. Après avoir exclu la trentaine de «rebelles» qui avaient osé s'opposer à ses réformes, il a recruté personnellement, sur le tas, des personnalités de la société civile pour aller les battre dans leur circonscription. Cette horde, surnommée «Les assassins» par la presse de l'Archipel, est des plus hétéroclites. On y trouve beaucoup de femmes, parmi lesquelles une infirmière, une starlette, l'économiste en chef d'une grande banque d'affaires américaine... Pendant ce temps, l'opposition s'organise. A l'éternel sourire ironique de Koizumi, Katsuya Okada, leader du Parti démocratique du Japon (PDJ), la deuxième formation du pays, oppose son visage sérieux et sa réputation d'homme honnête. On ne peut pas dire qu'il souffre de l'usure du pouvoir : en 60 ans, le PDJ a gouverné dix mois. Mais cette fois le parti croit en ses chances. Avec 175 députés aujourd'hui, il ne cesse de progresser depuis quelques années, et est déjà assuré d'augmenter sa présence à la Diète. «Le PDJ pourrait frôler la majorité absolue, avec 230 sièges sur 250, et former un gouvernement avec un autre petit parti», estime Takao Toshikawa, analyste pour Insideline. Pour le moment, l'électorat apprécie la stratégie «avec moi ou contre moi» de Junichiro Koizumi. Tous les sondages montrent une progression constante de la côte de popularité du premier ministre depuis l'onde de choc du 8 août. «Il y a toujours un avantage naturel pour le chef du gouvernement au Japon : il a accès aux médias, qui retransmettent ce qu'il dit et fait de manière quasi automatique», explique Hiroshi Ueki. Les analystes prévoient bien un trou d'air pour le leader le plus populaire qu'ait jamais connu le Japon. Le 29 août, le temps d'un débat télévisé, il sera confronté aux leaders des autres partis politiques. Ces derniers ne manqueront pas de mettre sur la table les pièces à charge de ses quatre années de pouvoir. A l'intérieur, la quasi-faillite des retraites, la paupérisation d'une partie de la classe moyenne, la chute démographique, la hausse de l'insécurité. A l'étranger, ses relations désastreuses avec la Chine, son mépris pour l'Europe, son «suivisme» des Américains jusqu'en Irak, où stationne un contingent des forces d'autodéfense nippones... «Il ne devrait pas sortir indemne du débat. Jusqu'à maintenant, il est parvenu à focaliser les médias uniquement sur la question de la réforme de la Poste et à occulter tout autre sujet. L'opposition va le prendre de face», prédit Takao Toshikawa. Le lendemain, la bataille commencera vraiment.