Mort de Jacques Lebreton
Mort Jacques Lebreton, commandeur de la Légion d'honneurJacques Lebreton est mort à Paris, dimanche 2 avril, à l'âge de 84 ans. La vie de cet homme hors du commun, commandeur de la Légion d'honneur, aurait pu s'arrêter le 5 novembre 1942.Engagé dans les Forces françaises libres (FFL), ce septième d'une famille de neuf enfants vient de participer aux combats d'el-Alamein, en Libye, quand un camarade lui passe une grenade dégoupillée par erreur. C'est le drame. A 20 ans, ce colosse d'1,92 m se retrouve aveugle et sans mains. Désespéré et révolté, cloué sur un lit d'hôpital à Damas, Alger, puis Londres, aux prises avec "une souffrance surhumaine", il finit par surmonter ses envies de suicide."Acculé à l'espérance", Jacques Lebreton - Jacques Beaugé de son vrai nom - redécouvre la foi et va désormais passer sa vie à "défendre la dignité de l'homme, qu'il soit valide ou handicapé". La vraie question, dit-il, n'est pas de savoir "qu'est-ce qu'un infirme, mais qu'est-ce qu'un homme".Il trouve du travail, se marie, a cinq enfants. Il rejoint l'un de ses frères, André, prêtre-ouvrier, et entre au Parti communiste français. Il déménage sa famille à Nanterre et l'installe dans un bidonville pour se mettre au service des plus démunis. Ces années-là sont des années de crise. Il se lance dans le syndicalisme, néglige les siens, vit douloureusement l'interdiction des prêtres-ouvriers, perd à nouveau la foi, la retrouve huit ans plus tard.Il écrit un premier livre, Sans yeux et sans mains (Casterman, 1966). Le succès est immédiat. On l'appelle de partout. "Où trouvez-vous la force de ne pas désespérer ?", l'interroge-t-on. "Même une vie d'infirme vaut la peine d'être vécue. Je ne souhaite cela à personne, mais il y a des richesses à découvrir là-dedans", répond-il inlassablement.Pendant plus de trente ans, Jacques Lebreton va célébrer son "hymne à la vie et à la joie". Il donne plus de 7 000 conférences dans le monde entier. Quand on demande au journaliste Jacques Chancel de citer l'invité qui l'a le plus impressionné lors de son émission Radioscopie, il répond : "Sans hésitation, Jacques Lebreton !"En 1974, il devient diacre dans l'Eglise catholique. Il écrit encore quatre livres, en collaboration avec Françoise Lemaire, notamment La vie est belle à en crever (éd. du Sarment, 2001), et Condamnés à l'espérance (Presses de la Renaissance, 2004). Ses obsèques ont eu lieu le 7 avril, en l'église Saint-Louis des Invalides. Le général Gobillard, gouverneur des Invalides, a tenu à saluer "ce soldat héroïque, sans yeux et sans mains".