Mort de Jacques Fouroux
Mort Jacques Fouroux, entraîneur de l'équipe de France de rugby à XVJe suis mort une première fois, proclamait victorieusement Jacques Fouroux au mois de janvier, entre deux opérations nécessitées par un déchirement de l'estomac. Tout ce que je vis maintenant, c'est du rab." L'ancien capitaine et entraîneur de l'équipe de France de rugby à XV, qui ne faisait rien comme tout le monde, est mort une deuxième fois, samedi 17 décembre, à son domicile d'Auch, sa ville natale, d'une crise cardiaque. Il était âgé de 58 ans. Ses obsèques auront lieu mercredi 21 décembre à la cathédrale d'Auch, dressée sur une place où, enfant, il s'amusait à taper des drops. "Je suis parti de cette place que l'habitude fait appeler place de la Cathédrale mais dont le vrai nom est place de la Libération, expliquait-il avec conviction. C'est beaucoup plus joli comme nom, Libération." Il n'aurait sans doute pu rêver meilleur théâtre pour passer un dernier drop vers la postérité entre les poteaux de la démesure et de la truculence qu'il revendiquait.Surnommé "le Petit Caporal" ou "le petit Napoléon", en raison de son caractère très affirmé et de ses dons de meneur d'hommes, Jacques Fouroux, né le 24 juillet 1947, commence sa carrière de demi de mêlée à Auch pour la poursuivre à Cognac, puis à La Voulte. Titulaire de 27 sélections, dont 22 en tant que capitaine, sa carrière d'international ne s'étend que sur six saisons, d'avril 1972 à décembre 1977, année où il connaît son apogée avec le grand chelem obtenu dans le Tournoi des cinq nations. Deux autres grands chelems, en 1981 et en 1987, figurent au palmarès de l'entraîneur national qu'il fut de 1981 à 1990. C'est également en 1987 qu'il conduit les Bleus en finale de la Coupe du monde, perdue face à la Nouvelle-Zélande.Jacques Fouroux aurait pu être président de la Fédération française de rugby, en 1990. Successeur désigné d'Albert Ferrasse, qui le considérait comme son fils spirituel, il commit ce que le président tout-puissant d'alors considéra comme une haute trahison. "C'était un drôle de pistolet : s'il n'avait pas été pressé, il m'aurait succédé, explique Albert Ferrasse. Mais un jour il a été poussé par des gens qui lui ont mis la tête comme un chaudron et, le lendemain, il m'a fait un discours de président. C'est dommage parce qu'il avait des qualités. C'était un battant, un type bien."L'Auscitain vécut dès lors une longue période de bannissement dont il essaya en vain de sortir, marqué à jamais par le sceau de l'infamie. Injustement à ses yeux : "Sur mon lit de mort, je dirai encore que jamais je n'ai voulu tuer Albert." Cette affaire constituait pour lui la plus douloureuse des blessures. "Bébert, je ne l'ai revu qu'une fois depuis, il y a quatre ou cinq ans, dans les tribunes d'Auch, pour un match Agen-Auch, confiait-il. Il m'a regardé comme ça, il m'est tombé dans les bras, et j'ai vu tout le match avec lui, ma main gauche sur sa jambe droite, comme s'il était mon papa sans doute."BESOIN D'AFFRONTEMENTJacques Fouroux avait connu la gloire du joueur et le pouvoir de l'entraîneur, mais c'était peu pour son appétit vorace. Il n'y pouvait pas grand-chose. "J'ai toujours vécu dans l'esprit de contradiction, je suis un extrémiste, confessait-il. J'étais le plus passionné de tous et je me suis battu pratiquement contre la terre entière. J'étais suicidaire, c'est la triste vérité." Mais il ne fallait pas attendre longtemps pour entendre : "Si j'avais été président de la fédé, j'aurais été malheureux comme la pierre."Ces derniers mois, taraudé par son "besoin d'entraîner", il avait repris du service avec une cruelle malchance. Nommé entraîneur de Grenoble juste avant que ce club soit relégué, il prenait la direction d'un club italien dont il était licencié fin octobre. Il devait cette semaine rejoindre l'équipe de Toulon en qualité de manageur.Son perpétuel besoin d'affrontement, Jacques Fouroux l'expliquait par un "terrible complexe d'infériorité" dû à sa taille (1,62 m). "J'ai transformé (ce complexe) à ma manière dans ma roublardise, ma coquinerie, mon intelligence à moi, en une force énorme qui m'a fait soulever des montagnes. Mais dans le désordre, pas dans la sérénité. J'avais tout, tout, mais il m'a manqué l'essentiel. Le recul, peut-être. Peut-être que je n'en suis pas loin maintenant."