Annonce Jacques Chirac plaide pour la solidarité internationale au Forum de Davos Le président de la République a plaidé, mercredi 26 janvier, pour un prélèvement international afin de financer la lutte contre le sida. "Il permettrait de mobiliser dix milliards de dollars par an", a-t-il estimé. Dans un discours adressé en visioconférence au Forum économique mondial qui rassemble chaque année à Davos (Suisse) de nombreux dirigeants économiques et politiques de la planète, le président français a prononcé un vibrant plaidoyer pour le "respect des droits sociaux" dans le monde. La catastrophe du raz de marée du 26 décembre en Asie "doit provoquer un éveil des consciences", a-t-il lancé. "Le monde souffre de façon chronique de ce que l'on a appelé (...) les tsunamis silencieux. Famines, maladies infectieuses qui déciment les forces vives de continents entiers, violences et révoltes, régions livrées à l'anarchie, mouvements migratoires non maîtrisés, dérives extrémistes, terreau fertile au terrorisme." "Ces drames, ces dérèglements exigent une réaction collective et solidaire. Ce n'est pas seulement un devoir d'humanité, c'est aussi l'intérêt bien compris des pays les plus favorisés. Car le monde ne s'arrête pas aux limites de leur prospérité. Il ne se borne pas aux certitudes de ceux que la fortune sert aujourd'hui", a-t-il ajouté. Jacques Chirac, qui milite avec le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, pour l'élaboration de nouveaux dispositifs de financement du développement, a proposé la création "à titre expérimental" d'un prélèvement international pour financer la lutte contre le sida, notamment dans les pays sous-développés. En raison du mauvais temps dans cette station de ski du canton des Grisons, couverte d'une épaisse couche de neige, M. Chirac a dû renoncer à venir en personne à Davos mais a promis, à l'invitation de Klaus Schwab, le président de Davos, de venir en 2006. Au même moment a débuté à Porto Alegre (Brésil) le Forum social mondial, rassemblement annuel des opposants à la mondialisation libérale. Plus de 100 000 altermondialistes vont y débattre de l'aide au développement et de l'annulation de la dette des pays pauvres. 10 MILLIARDS DE DOLLARS PAR AN Affirmant que la communauté internationale était "en train d'échouer face à cette terrible pandémie", Jacques Chirac a souligné qu'il fallait "mobiliser au moins 10 milliards de dollars (7,7 milliards d'euros) par an" pour enrayer la progression du sida. Il a évoqué plusieurs pistes : "Une contribution sur les transactions financières internationales", pouvant rapporter dix milliards de dollars par an, une autre sur "les flux de capitaux sortants et entrants" dans les pays qui maintiennent le secret bancaire, "une contribution sur le carburant utilisé par le transport aérien et maritime", et "un faible prélèvement", par exemple d'un dollar, "sur les trois milliards de billets d'avion vendus chaque année dans le monde". Le président français a reconnu qu'"il était normal que ces propositions fassent débat", allusion à l'hostilité déclarée des Etats-Unis à toute idée de taxe international obligatoire. A l'adresse des dirigeants les plus riches du monde, il a également plaidé pour une dimension "éthique" de la mondialisation, afin que celle-ci soit un "projet d'espoir". "Il nous revient aussi de promouvoir la responsabilité sociale et environnementale des entreprises comme des Etats. L'avenir de la mondialisation n'est pas dans une économie de dumping social ou de gaspillage des ressources naturelles mais dans le respect des droits sociaux, dans l'élévation générale du niveau de vie et dans un développement respectueux des équilibres écologiques." Le Forum accueillait aussi dans la soirée le premier ministre britannique, Tony Blair, a exposé ses idées pour lutter contre le réchauffement de la planète et aider l'Afrique. Tony Blair a ouvert formellement le Forum par une allocution consacrée notamment au changement climatique, générateur de catastrophes. Il s'agit d'une des priorités de la présidence britannique du G8 (pays les plus industrialisés et Russie). "PLAN MARSHALL" POUR L'AFRIQUE Une étude à paraître jeudi dans la revue britannique Nature envisage que le réchauffement climatique puisse être deux fois plus grave que prévu, les températures moyennes pourraient augmenter de 1,9 à 11,5 degrés centigrades si le taux de gaz carbonique double, alors que les estimations actuelles vont de 1,4 à 5,8 degrés. M. Blair a aussi évoqué le sort de l'Afrique, autre thème majeur de sa présidence du G8. "Nous devons ouvrir nos marchés, réduire nos subventions, y compris sur des produits controversés comme le coton ou le sucre", a déclaré Tony Blair en faisant référence aux réticences affichées par les pays les plus riches pour supprimer les subventions aux produits agricoles. Tony Blair a aussi appelé mercredi les Etats-Unis et le reste du monde à combler le fossé qui les sépare et à travailler ensemble pour résoudre les défis mondiaux en tous genres. Son ministre des finances, Gordon Brown, a lancé l'idée d'un "plan Marshall" pour l'Afrique : doublement de l'aide au développement à 76 milliards d'euros par an et annulation de 80 milliards de dollars (61,5 milliards d'euros) de dettes des pays pauvres. En attendant les deux invités vedettes du jour, les économistes présents à Davos ont pris le pouls de l'économie mondiale, qui pâtit selon eux des déficits des comptes courants aux Etats-Unis et de "l'intempérance" du consommateur américain. Les experts qui ont fait mercredi à Davos un rapide diagnostic de l'économie mondiale se sont montrés sévères pour le consommateur américain. Stephen Roach, chef économiste de la banque américaine Morgan Stanley, l'a qualifié de véritable "bombe à retardement" qui dépense sans compter avec ses cartes de crédit et risque de faire crever la "bulle immobilière" qui enfle aux Etats-Unis. Au total, l'édition 2005 du Forum rassemble quelque 2 250 participants dont un millier de chefs d'entreprise, avec une forte participation européenne mais, contrairement aux précédentes éditions, une représentation américaine plus timide.