Annonce Jacques Chirac hausse le ton contre la "directive Bolkestein" Le président de la République a appelé à une "remise à plat" complète de la directive sur la libéralisation des services dans l'Union européenne. La Commission européenne a estimé que les propos de M. Chirac pourraient rendre le débat "encore plus compliqué". Les députés français ont adopté une résolution demandant le réexamen de la directive. Le président français, Jacques Chirac, a jugé, mardi 15 mars, "inacceptable" le projet de directive sur la libéralisation des services dans l'Union européenne (UE), dite Bolkestein, défendue par la Commission, et a appelé à nouveau à une "remise à plat" complète, a rapporté l'Elysée. Le président a fait part de sa position dans un entretien téléphonique avec le président en exerice de l'UE, Jean-Claude Juncker, puis avec le président de la Commission européenne, José Manuel Durao Barroso. "Le président de la République a rappelé au président de la Commission que la proposition de directive sur les services était inacceptable pour la France comme pour d'autres partenaires européens et qu'elle devait être complètement remise à plat", a dit le porte-parole de l'Elysée, Jérôme Bonnafont. M. Barroso a défendu, lundi, le "principe du pays d'origine" au cœur de la controverse sur la libéralisation des services dans l'UE, en reprochant à ses adversaires de refuser les conséquences de l'élargissement. Dans les pays en campagne contre le projet (Allemagne, France et Belgique entre autres), ce principe permettant à un prestataire de services d'opérer à travers l'Union en appliquant la loi de son pays d'origine, a été accusé d'ouvrir la voie au "dumping social" au bénéfice des nouveaux Etats membres. RÉPONDRE AUX PARTISANS DU NON M. Chirac "a rappelé l'engagement pris par la Commission de réviser ce texte en vue d'aboutir à un consensus, ce qui est la seule méthode acceptable. Il a également rappelé que la France attend de la Commission qu'elle mette en œuvre cet engagement et qu'elle travaille dans cet esprit qui est celui du traité constitutionnel", a ajouté le porte-parole. Il a également "souligné que, pour la France, la révision devra être conduite conformément au principe qui a toujours été appliqué à la construction européenne : le développement du marché intérieur repose sur une démarche d'harmonisation". "C'est d'ailleurs conforme au projet de traité constitutionnel qui fixe à l'Europe un haut niveau d'ambition sociale", a ajouté M. Chirac. Alors qu'à onze semaines du référendum sur la Constitution européenne, le "oui" perd à nouveau du terrain dans les sondages, le chef de l'Etat a paru soucieux de répondre aux critiques des partisans du "non" sur l'Europe libérale. Selon le porte-parole, M. Chirac a ainsi rappelé que "l'Europe, c'est la protection des droits sociaux, c'est la loyauté des conditions de concurrence, c'est le développement des services publics et c'est le respect de la diversité culturelle". DEMANDE DE RÉEXAMEN De leur côté, les députés ont adopté, mardi soir, par un vote à main levée une résolution réclamant un "réexamen" de la directive Bolkestein. Les groupes UMP et UDF ont voté ce texte préparé par la commission des affaires économiques et la délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée, et examiné en séance à la demande du président de l'Assemblée, Jean-Louis Debré. Les groupes PS et PCR ont voté contre la résolution, estimant que plutôt que de la "réexaminer", il convenait de la retirer. Dans le texte de deux pages, les députés demandent "résolument l'abandon du principe du pays d'origine qui, en l'absence d'un niveau d'harmonisation suffisant des secteurs concernés, et compte tenu des disparités de l'Europe, présente un risque de dumping social et juridique qui favoriserait la concurrence déloyale et la baisse de qualité de l'offre de service". "Nous attendons de la Commission une approche constructive nous permettant de travailler sereinement à la remise à plat de ce texte", a dit Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. INQUIÉTUDES DE LA COMMISSION La porte-parole de la Commission, Françoise Le Bail, a fait part des craintes de Bruxelles suite aux propos de Jacques Chirac. "Nous voulons éviter qu'une mauvaise compréhension de ce qu'a dit lundi le président (José Manuel Durao Barroso) rende le débat encore plus compliqué", a-t-elle indiqué. Conformément à la position adoptée depuis l'annonce de la relance de la stratégie de Lisbonne, le président de la Commission a indiqué "qu'il était en faveur de l'ouverture du marché des services mais qu'il prendrait en compte les préoccupations exprimées sur le principe du pays d'origine, sur les services d'intérêt général et de santé", a expliqué Mme Le Bail. "Nous voulons apporter à la directive les adaptations nécessaires pour éviter tout dumping social", a souligné Mme Le Bail. Au cours d'une conférence, lundi, à Bruxelles, M. Barroso avait indiqué qu'un marché intérieur européen des services devait reposer sur le principe du pays d'origine, "avec des garanties". Selon Françoise Le Bail, "il est beaucoup trop tôt pour indiquer ce que seront ces adaptations". "C'est un sujet complexe. Les services sont en train d'y travailler, de même que (le commissaire au marché intérieur) Charlie McCreevy", a-t-elle dit. "Nous allons travailler avec le Conseil et le Parlement européen".