Annonce Irlande: l'affaire McCartney a changé l'image de l'IRA BELFAST (AFP) - Le meurtre de Robert McCartney -dont la famille devait être reçue à la Maison Blanche jeudi- a changé des deux côtés de l'Atlantique l'image de l'IRA, dont l'existence est remise en question par certains de ceux qui l'ont soutenue pendant 30 ans de conflit. Aux Etats-Unis, l'affaire McCartney a sapé le soutien politique et financier dont bénéficiait Sinn Féin, l'aile politique de l'organisation clandestine catholique. Robert McCartney, 33 ans, père de 2 enfants, a été battu et poignardé à mort dans la rue par des éléments incontrôlés de l'Armée républicaine irlandaise (IRA) dans la nuit du 30 au 31 janvier, après une altercation dans un bar devant plus de 70 témoins. Les cinq soeurs de la victime, qui accusent l'IRA d'avoir tenté de couvrir les meurtriers de leur frère, sont parties aux Etats-Unis pour obtenir le soutien du président George W. Bush et des élus américains de souche irlandaise pour que les coupables soient traduits en justice. Gerry Adams, président du Sinn Féin, est également en visite dans l'est américain pour la fête de la Saint Patrick. Mais ni le président Bush ni le sénateur démocrate Ted Kennedy n'ont accepté de le rencontrer. Aux Etats-Unis, Sinn Féin est "présenté comme un parti qui continue de soutenir la violence à des fins politiques et si j'étais Gerry Adams, je n'essaierais pas de lever des fonds en ce moment", indique Katlhleen Cavanaugh, qui enseigne les sciences politiques et le droit international à l'université nationale d'Irlande, à Galway (ouest). "Ceux qui acceptaient de payer 1.000 dollars le repas pour dîner avec Gerry Adams au Waldorf-Astoria à New York n'étaient pas des supporters venus de la base mais des classes aisées américaines", expliqué l'universitaire, elle-même originaire de New York. Ce sont des gens "particulièrement vulnérables aujourd'hui à la rhétorique antiterroriste de l'après 11 septembre" 2001 du gouvernement Bush, souligne-t-elle. De sources diplomatiques irlandaise et américaine, l'association "les amis du Sinn Féin" récolte chaque année environ 1 million de dollars aux Etats-Unis (751.000 EUR), dont près de 800.000 gagnent les caisses du parti en Irlande. A court terme, cette source de fonds pourrait fort être tarie. "Mais la grande majorité de l'argent du mouvement républicain (Sinn Féin et IRA) vient d'Irlande, l'organisation est loin d'être pauvre", assure un diplomate irlandais. Ces deux spécialistes s'accordent aussi pour dire que lors des élections municipales et législatives du printemps, Sinn Féin devrait rester le principal parti catholique d'Irlande du Nord. En revanche, l'implication présumée de l'IRA dans l'affaire McCartney, un cambriolage spectaculaire en décembre à Belfast et des opérations de blanchiment d'argent sont "autant de raisons qui devraient convaincre le mouvement républicain de se débarrasser de l'IRA", dont "la dérive criminelle est inévitable", selon le diplomate irlandais. "Si l'on se penche sur l'histoire du mouvement républicain irlandais, on s'aperçoit qu'il est influencé par les mouvements de l'opinion publique", explique Kathleen Cavanaugh. "Lorsque la société civile dans les quartiers républicains sentira que l'IRA n'a plus de raison d'exister, l'organisation clandestine disparaîtra", souligne-t-elle. "Ce processus" de remise en cause "a commencé mais n'est pas encore arrivé à son terme", d'après l'universitaire. "La criminalité n'est pas le seul facteur à prendre en compte, note-t-elle, et l'Irlande du Nord demeure politiquement instable". Et tant que le processus de paix, au point mort depuis plus de 2 ans, restera paralysé, il y aura peu de chances de voir l'IRA mise hors circuit.