Mort d'Iouri Levada
Mort Iouri Levada, sociologue russeUne sociologue russe Iouri Levada, fondateur d'un centre d'études sociologiques et de sondages est mort, jeudi 16 novembre, à l'âge de 76 ans.Né en 1930 à Vinnitsa, en Ukraine, Iouri Levada faisait autorité pour ses études indépendantes et son sérieux, y compris aux yeux de ses opposants. Cette indépendance a guidé son travail et sa vie. Déjà, à la fin des années 1960, il avait été écarté du seul centre de sociologie existant dans l'URSS de Léonid Brejnev.Invité un jour à donner un cours aux étudiants de la faculté de journalisme sur l'étude de l'opinion publique, il ne s'appuie pas sur Marx et Engels mais sur une "science bourgeoise". Il était alors chercheur au sein d'un institut économique des sciences qui s'occupait également des problèmes sociologiques. Menacé d'être expulsé du parti, il est soutenu par ses collègues. On lui interdit alors de publier et d'enseigner durant près de vingt ans.En 1988, il prend la direction de l'institut de sondage public Vtsiom, créé à la faveur de la Glasnost (transparence) des années 1980, sous Mikhaïl Gorbatchev. Mais, en août 2003, sous la direction de Vladimir Poutine, l'Etat annonce la reprise du contrôle de cet institut. Le mois qui suit, Levada décide de créer son propre institut, Vtsiom-A, qui deviendra par la suite le Centre Levada. Les 80 personnes qui travaillaient avec lui le suivent dans sa dissidence.Iouri Levada a fait partie de ceux qui ont essayé de faire porter l'attention du pouvoir vers l'opinion publique. A la tête de son propre centre depuis 2004, il continua d'accompagner ses sondages sur la Tchétchénie, la situation sociale et politique, et celle des droits de l'homme de ses commentaires qui se distinguaient souvent de la position officielle du gouvernement. "La liberté est moins grande qu'à l'époque d'Eltsine, les gens ont moins envie d'exprimer leur opinion et la tentation de se taire est plus grande", expliquait-il au Monde en 2004.Si les méthodes de son institut reprennent celles de la sociologie telle qu'elle est pratiquée dans le reste du monde, en revanche, selon lui, l'état de l'opinion est plus uniforme. "Il y a davantage d'accords silencieux ; plus de manipulation de l'opinion. Elle se mesure dans la grande espérance que suscite le président actuel et celle-ci repose sur la croyance qu'il peut améliorer la situation en Russie."Son institut recevait des commandes privées venant d'ONG, d'universités, dont la moitié étaient étrangères. Les différents pouvoirs à Moscou ont cherché à influencer les résultats. Ainsi, Boris Eltsine n'était pas satisfait de l'image que lui renvoyait les sondages mais il abandonna l'idée de les corriger. Interrogé sur la pression que subissait son institut, Iouri Levada avait répondu : "Je m'occupe de mes affaires et j'essaie de faire un travail plus sérieux et plus profond que d'autres."