Annonce Institutions : La crise de succession s'envenime à l'Institut français d'archéologie orientale Plus de 320 égyptologues apportent leur soutien à Bernard Mathieu, non reconduit dans ses fonctions de directeur du centre du Caire. Ouverte depuis plus de deux mois, la crise à l'Institut français d'archéologie orientale (IFAO) du Caire (Egypte) ne semble pas en passe de se résorber. La pétition de soutien à Bernard Mathieu, évincé début décembre 2004 de la direction de l'institution, comptait, mardi 25 janvier, 322 signataires. Au nombre desquels les plus grands noms de l'égyptologie, de la papyrologie et de l'archéologie, tant en France qu'à l'étranger. L'affaire remonte au 9 décembre 2004, avec la décision du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche de ne pas reconduire M. Mathieu dans ses fonctions, faisant fi du choix des instances scientifiques : Conseil national des universités, Académie des inscriptions et belles-lettres, et Conseil scientifique de l'IFAO. La décision du ministère, motivée par la volonté de "redynamiser" l'institution, centre névralgique de l'égyptologie française, a suscité un fort émoi dans la communauté scientifique. En témoigne la longue liste des soutiens à M. Mathieu, qui rassemble la quasi-totalité de l'égyptologie française. Les véritables raisons de la non-reconduction de M. Mathieu à son poste alimentent toutes les spéculations. Jean Yoyotte, l'un des plus éminents signataires français de la pétition de soutien à M. Mathieu, professeur honoraire au Collège de France, a ainsi, dès le début de la crise, ouvertement formulé de dures accusations. Dans une déclaration à l'Agence France-Presse, début décembre, M. Yoyotte a dénoncé l'"action d'une mafia" et accusé le non moins éminent Nicolas Grimal, titulaire de la chaire d'égyptologie du Collège de France, d'avoir mené campagne en haut lieu contre M. Mathieu. M. Grimal, qui avait jusqu'à présent gardé le silence, se dit "extrêmement surpris, mais aussi blessé, de tout ce qui a été dit à -son- sujet". "D'autant que j'ai été de ceux qui ont considéré la venue de M. Mathieu comme une très bonne chose pour l'IFAO", ajoute-t-il. Lui-même ancien directeur de l'IFAO, l'égyptologue estime qu'à ce titre " -il- n'-a- pas à -se- prononcer" sur la décision du ministère, précisant que les autres instituts français à l'étranger (Ecole française d'Athènes, de Madrid, etc.) ont déjà connu des directeurs dont le mandat n'a pas été reconduit. Derrière une apparente querelle de chapelles se profilent les stigmates de l'affaire dite de la chambre secrète de Chéops (Le Monde du 3 et du 10 septembre 2004). En septembre 2004, M. Grimal avait en effet soutenu, contre M. Mathieu et la direction de l'IFAO, la théorie d'un égyptologue amateur, Gilles Dormion, selon laquelle une chambre funéraire inviolée, située sous celle de la reine, demeure à découvrir dans la grande pyramide. M. Grimal avait appuyé la demande de l'amateur d'effectuer des fouilles au sein du monument. Quoique publique, cette requête était demeurée informelle puisque M. Mathieu avait refusé de la relayer auprès de Zahi Hawass, secrétaire général du Conseil suprême des antiquités égyptien. Cependant, l'appui d'une personnalité de l'égyptologie, en la personne de M. Grimal, avait été interprété par M. Hawass comme un acte d'ingérence, voire de colonialisme. M. Hawass - qui a la haute main sur les autorisations de fouilles - ne cache pas, depuis, son inimitié pour M. Grimal. Dans une tribune publiée début décembre dans la presse égyptienne, le secrétaire général du Conseil suprême des antiquités écrivait notamment qu'il estimait avoir été "attaqué" de "manière non scientifique" par l'ancien directeur de l'IFAO. M. Hawass concluait son texte en assurant que ses relations avec les chercheurs et les diplomates français demeurent "bonnes" et, ajoutait-il en guise de chute, "la France n'est pas Grimal". M. Hawass qui, en Egypte, a rang de secrétaire d'Etat compte d'ailleurs au nombre des 322 soutiens à M. Mathieu. Les autorités égyptiennes ont donc clairement choisi leur camp. Stéphane Foucart