Annonce Indonésie: Megawati sur la corde raide pour la présidence L'ex-général Bambang Yudhoyono, donné favori du scrutin, fait figure de candidat du changement face à la passivité de la présidente sortante. a présidente Megawati Sukarnoputri, fille du héros national Sukarno, lutte pour sa survie politique lors du scrutin d'aujourd'hui, première présidentielle directe de l'histoire indonésienne. Face à elle, un rival redoutable, ancien général et expert en économie agricole, Susilo Bambang Yudhoyono, nouveau venu en politique mais donné favori par les sondages. Souvent décriée pour sa passivité, Megawati a fait de gros efforts depuis le premier tour de la présidentielle, en juillet, où elle avait obtenu un score décevant. Elle a multiplié les interventions télévisées et même accepté un débat sur le petit écran, mais devant des journalistes sélectionnés et à la condition que son concurrent Bambang Yudhoyono ne soit pas présent dans la même salle. «Elle s'est améliorée, mais son rival (le candidat à la vice-présidence, Hasyim Muzadi, ndlr) s'est montré beaucoup plus actif pendant le débat. Où est le leadership ?», s'interroge Marzuki Darusman, président de Partnership, un organisme qui milite pour la bonne gouvernance en Indonésie. Popularité. A la fin de l'ère Suharto, Megawati avait été perçue comme la victime d'un régime brutal et répressif, enclin à écraser toute velléité d'opposition. Cette image de martyre et sa filiation avec le premier président indonésien, Sukarno, lui avait donné une formidable popularité dans l'archipel. Ironiquement, Megawati est aujourd'hui soutenue par le Golkar, ancien parti de Suharto. Elle incarne le statu quo. «Nous ne pouvons pas nous permettre de continuer à avoir un Président sans imagination. Cinq ans de plus comme cela et l'Indonésie va devenir le paria de l'Asie du Sud-Est», dit Mohammed Hikam. Par défaut, l'ex-général Bambang Yudhoyono, ou «SBY», comme on le surnomme ici, fait figure de candidat du changement, ce qui ne manque pas de piquant car cet officier élégant et cosmopolite a grimpé tous les échelons sous Suharto jusqu'à devenir responsable «des affaires politiques et sociales de l'armée de terre» à la fin du régime. «SBY» n'est donc pas le genre d'homme à faire des vagues, mais sa réputation d'honnêteté, de discipline et de sens de l'organisation rassure face à l'amateurisme bon enfant de Megawati au moment où l'Indonésie est en proie au terrorisme, comme l'a rappelé l'attentat contre l'ambassade d'Australie à Djakarta, le 9 septembre. «Nous n'avons pas assez de directives claires données par la présidence pour la lutte antiterroriste. Megawati ne connaît pas et n'utilise pas les instruments existants», confie une source des services de renseignements. Au lendemain de l'attentat, Bambang Yudhoyono a annoncé qu'il renforcerait les moyens de la police et réorganiserait les services de renseignements s'il était élu. Megawati a lancé un appel au calme et à la coopération de tous les citoyens. Si la majorité des analystes indonésiens reconnaissent la plus grande compétence de Bambang Yudhoyono, l'ancien général ne fait pas l'unanimité. Certains milieux associatifs et intellectuels se défient de son «militarisme». «Quand Suharto a commencé, il était aussi le "général souriant", quelqu'un de très sympathique, comme "SBY" aujourd'hui», rappelle l'analyste politique Wimar Witoelar. Son entourage ­ composé de généraux à la retraite, d'hommes d'affaires pribumi (indonésiens de souche) protégés par des faveurs, de financiers chinois quasi mafieux et de musulmans radicaux ­ inquiète. «Son entourage est un problème, mais il en est conscient. S'il est élu, le test va être de voir quel type de personnes il va choisir pour son gouvernement», indique Marzuki Darusman. Solide base. Les sondages pré-électoraux, devenus récemment une denrée de base de la vie politique indonésienne, donnent une assez large avance à Bambang Yudhoyono, encore conforté par le soutien déclaré de l'influent leader musulman modéré ­ et ancien président ­ Abdurrahman Wahid. Mais Megawati dispose d'une solide base de soutien parmi les plus pauvres à Java Central et Bali. Les quelque 13 % des sondés qui se disent encore indécis devraient voter en majorité pour Megawati, dont les alliés ont lancé une grande campagne d'octroi de prêts sans intérêt ces derniers jours. Le scrutin pourrait donc s'avérer serré. Nombre de politiciens, de parlementaires et d'universitaires multiplient les contacts avec les équipes de campagne dans l'espoir d'obtenir un poste dans la future administration. «La politique indonésienne est un club. Peu importe qui gagne, car, finalement, chacun obtient sa part. Seule la population indonésienne n'est pas membre du club», dit Wimar Witoelar.