Exposition "Illusions, ça trompe énormément", Palais de la découverte, avenue Franklin-Roosevelt, Paris-8e. Mo Franklin-Roosevelt. Tél. : 01-56-43-20-20. Du mardi au samedi de 9 h 30 à 18 heures, dimanches et jours fériés de 10 heures à 19 heures. Jusqu'au 29 avril 2007. 6,50 €.C'est un morceau connu que l'on réécoute, la Partita no 2 en ré mineur de Jean-Sébastien Bach. A priori pour violon seul. Mais tendez l'oreille... Oui, on dirait bien qu'un deuxième instrument vient s'intercaler dans la mélodie du premier, on dirait bien que deux violons se répondent. On dirait. Bien sûr, il n'y a qu'un seul instrument, mais, en créant une polyphonie virtuelle, Bach a mis en pratique ce que les scientifiques nomment la "bistabilité auditive", c'est-à-dire l'impossibilité de savoir si la séquence de sons entendue provient d'une ou de deux sources. L'oreille n'est évidemment pas en cause. Les illusions ne trompent pas nos organes sensoriels mais essentiellement celui qui interprète leurs données : le cerveau.Les mots "illusion" et "ludique" ayant la même racine latine - ludere, jouer en français -, c'est non sans pertinence que le Palais de la Découverte a choisi de traiter sur le mode du jeu ces cas extrêmes où notre cerveau se laisse abuser par nos sens. L'exposition "Illusions, ça trompe énormément" n'a d'autre prétention que de nous intriguer, de nous faire réfléchir sur la façon dont nous interprétons les informations sensorielles. Le pauvre cerveau du visiteur est mis à contribution - et parfois à rude épreuve - dans une série de scènes et d'expériences à la fois simples et déroutantes.C'est un tunnel d'un genre un peu particulier qui donne le mal de mer alors que le sol est parfaitement fixe. Ce sont les serpents du professeur Akiyoshi Kitaoka, parfaitement immobiles et qui semblent pourtant tourner sur eux-mêmes, grâce aux subtiles propriétés des cellules photo réceptrices de l'oeil. C'est la chambre d'Ames qui, faussant le modèle de perspective que notre encéphale a intégré depuis notre petite enfance, fait paraître la même personne ou bien naine ou bien géante, suivant le coin de la pièce dans laquelle elle se trouve.QUAND LE CERVEAU CALETout cela chamboule le ciboulot. Et le visiteur de s'apercevoir que son cerveau amplifie les contrastes, surestime les verticales, évalue un poids en fonction de la taille de l'objet, fait primer l'image mobile sur l'image fixe - peut-être un réflexe fossile hérité des animaux traqués que nous fûmes aux temps anciens de la Terre. Le cerveau est comme nous, il cherche à rendre le monde cohérent, à remplir les blancs, les trous de la perception, en analysant les bribes d'informations dont il dispose pour les regrouper en un ensemble logique.Il fait tout cela mais parfois cale. Il arrive que, devant une image ambiguë, la cervelle ne sache pas trancher. C'est une expérience assez déconcertante que de se sentir passer alternativement d'une interprétation à une autre, sans rime ni raison. L'une des plus belles ambiguïtés visuelles est donnée par le tableau de Salvador Dali intitulé Marché d'esclaves avec apparition du buste invisible de Voltaire. La juxtaposition habile des personnages centraux figurant au second plan du tableau peut être interprétée comme un buste de Voltaire posé sur la table au premier plan. Et l'on pourra se concentrer aussi longtemps qu'on le voudra : il sera impossible de voir les deux en même temps.
