Élection Idriss Déby réélu président du Tchad lors d'un scrutin boycotté par l'opposition LEMONDE.FR | 15.05.06 | 08h19 • Le président tchadien, Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis 1990, a été sans surprise triomphalement réélu pour cinq ans à la tête du pays dès le premier tour de l'élection présidentielle du 3 mai, qui était boycottée par l'ensemble de l'opposition. Selon les résultats proclamés dimanche soir 14 mai par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), le chef de l'Etat sortant a rassemblé 77,53 % des suffrages, devançant très largement ses quatre modestes rivaux, membres de sa coalition gouvernementale ou totalement inconnus du public. L'ancien premier ministre (1993-95) Kassiré Coumakoye, du Rassemblement national pour la démocratie et le progrès (Viva-RNDP), a réuni 8,81 % des voix, et le ministre de l'agriculture, Albert Pahimi Padacké, du Rassemblement national des démocrates tchadiens (RNDT-Le Réveil), en a rassemblé 5,35 %. Le ministre délégué à la décentralisation, Mahamat Abdoulaye, du Mouvement pour la paix et le développement au Tchad (MPDT) a, lui, totalisé 4,64 % des suffrages, alors que Brahim Koulamallah, du Mouvement socialiste africain rénové (MSA/R), en a obtenu 3,67 %. Le taux de participation à ce scrutin a atteint 61,49 % des près de 5,7 millions d'électeurs tchadiens inscrits, selon le décompte annoncé dimanche soir par le président de la CENI, Ahmat Mahamat Bachir. "MASCARADE ÉLECTORALE", SELON L'OPPOSITION Dès la fermeture des bureaux de vote, la participation, considérée comme faible par la plupart des observateurs, a nourri la polémique entre le pouvoir et l'opposition, qui avait appelé la population à ne pas participer à un scrutin qualifié de "mascarade électorale". Dès le 4 mai, le porte-parole de la principale coalition de l'opposition, Mahamat Saleh Ibni Oumar, s'était réjoui de "l'abstention massive" de ses compatriotes, signe selon lui de leur refus de "légitimer une quasi-dictature qui se drape du manteau de la démocratie". Au contraire, le pouvoir avait pour sa part relevé, comme une délégation d'observateurs de l'Union africaine, une "forte participation". Dimanche soir, peu après l'annonce des résultats, le président réélu a salué sa victoire en rendant hommage, lors d'une courte déclaration à la presse réunie au palais présidentiel, "au peuple tchadien, un peuple mûr, un peuple qui a gagné en maturité politique". "Le peuple a fait son choix et le choix, c'est moi (...). Par cette victoire, vous avez démenti ceux qui disaient hier que le Tchad allait exploser, cela prouve une fois de plus que la démocratie marche au Tchad et qu'elle avance", a-t-il poursuivi, alors que des rafales d'armes automatiques saluaient sa réélection dans N'Djamena. Le premier tour du scrutin présidentiel s'est déroulé trois semaines à peine après l'échec de l'attaque des rebelles tchadiens du Front uni pour le changement (FUC) aux portes de N'Djamena. Après ces violents affrontements, l'opposition, la société civile, l'Union africaine et certains membres de la communauté internationale comme les Etats-Unis avaient conseillé à Idriss Déby de reporter le scrutin pour permettre la tenue d'un Forum de réconciliation nationale. "MOI OU LE CHAOS" Mais, imperturbable, le chef de l'Etat était resté sourd à ces appels et avait mené campagne sur le thème "moi ou le chaos", prophétisant la guerre civile en cas de renversement par la force. Arrivé au pouvoir par les armes en 1990, Idriss Déby, 54 ans, a été élu en 1996, réélu en 2001 et a pu se présenter à un troisième mandat grâce à une révision constitutionnelle controversée en 2005. Il commence toutefois son nouveau quinquennat en situation de faiblesse, contesté par son opposition et une large frange de la communauté internationale, et menacé par la rébellion qui a promis de nouvelles offensives pour mettre un terme à son régime.