Grève Hypertension aux urgencesUne grève lancée en Bretagne exige que soit revu le système des gardes pour éviter un engorgement. C'est parti... de Bretagne. Le feu a pris à Rennes. Avec le service des urgences du centre hospitalier universitaire (CHU) qui s'est mis en grève illimitée. Depuis le début de l'année, la tension montait dans le monde des urgences après une forte alerte en février dernier dans bon nombre d'hôpitaux devant l'afflux de personnes âgées.Aujourd'hui, le risque d'une extension généralisée est patent. Ici ou là, c'est le même constat. On évoque des prises en charge de patients en urgence qui se font dans des circonstances dangereuses : des couloirs remplis de brancards en attente de lits d'hospitalisation, des personnes souvent très âgées vivent «dans des conditions non acceptables». Patrick Pelloux, urgentiste à l'hôpital Saint-Antoine à Paris, parle de décès qui n'auraient pas dû avoir lieu. Le président de la Coordination médicale hospitalière François Aubart a pressé, hier, le ministre de la Santé Philippe Douste-Blazy de «finaliser» les textes sur l'organisation des urgences, faute de quoi, selon lui, le mouvement de grève breton «va s'étendre au plan national». Et en écho, tous les syndicats de médecine de ville de se montrer menaçant si un accord n'est pas trouvé autour de cette fameuse «permanence des soins».A travers ce conflit, c'est tout le tissage liant la médecine de ville et les hôpitaux qui se révèle aujourd'hui fragilisé. Ou plus exactement dans l'incapacité d'intégrer des changements démographiques, structurels et culturels massifs. Les patients ont changé, vont beaucoup plus à l'hôpital que chez leur médecin de ville. Ils ont vieilli surtout, et les soins qu'ils réclament se révèlent de plus en plus complexes. Mais les médecins, eux aussi, ne sont plus les mêmes. A l'heure des 35 heures, les nouvelles générations n'ont plus envie de sacrifier leur vie sur l'autel de leur vocation. Et logiquement, ces tensions se retrouvent condensées autour de la permanence des soins.En théorie, la permanence des soins (c'est-à-dire les soins après la fermeture des cabinets médicaux libéraux) est assurée d'une part par les généralistes «de garde», inscrits à un tableau de rotation dans leur secteur, et d'autre part par les centres hospitaliers via les appels au 15. Mais depuis 2002 et le mouvement de grève des gardes des généralistes, le caractère «obligatoire» de la garde (figurant pourtant dans le code de déontologie médicale) a été récusé par les praticiens qui lui préfèrent le volontariat. Depuis, «les engagements à participer à la garde sont souvent remis en cause», accusent des syndicats hospitaliers au détriment de l'hôpital. «Il y a eu un phénomène de lassitude des médecins, à cause des journées bien remplies», a cherché à tempérer le secrétaire général de l'ordre des médecins.Aujourd'hui, la situation est bloquée. Après plusieurs missions ministérielles, des décrets pris en 2003, puis un accord négocié mais non agréé à l'été 2004, le dossier piétine. Le décret, actuellement examiné au Conseil d'Etat, retient pour principe «celui du volontariat» des médecins. Le ministre de la Santé a eu beau indiquer, hier, à l'Assemblée qu'il avait demandé qu'«il soit publié le plus vite possible», sa publication ne résoudra pas une crise du système très profonde.
