Annonce HomoparentalitéLa famille homo réclame ses droitsLa France reste frileuse sur le mariage homosexuel et l'adoption, que plusieurs pays européens autorisent. A Paris, une conférence veut faire avancer le débat.La France est à la traîne. Un coup d'oeil à nos voisins permet de s'en convaincre. Il n'y a pas que l'Espagne de Zapatero, où, cet été, une réforme du Code civil a ouvert le mariage et l'adoption aux couples de même sexe. Les Pays-Bas (depuis 2001), la Suède et le Royaume-Uni (depuis 2002) autorisent également l'adoption. Au Danemark, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Belgique, en Angleterre et au pays de Galles, on peut adopter l'enfant de son partenaire homosexuel. La Norvège et la Finlande permettent l'exercice commun de l'autorité parentale. Et sans parler de la procréation médicalement assistée, accessibles dans plusieurs pays, dont l'Espagne et la Belgique. Ni de la maternité pour autrui : possible en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, en Finlande, en Belgique, au Luxembourg, au Danemark et en Grèce. La Conférence sur l'homoparentalité organisée par l'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL), qui s'ouvre aujourd'hui pour deux jours à Paris, fait logiquement une place importante aux expériences internationales.«On a du mal à penser la parenté plurielle»Symboles. «Une filiation légale de deux parents de même sexe ébranle un certain ordre social», écrivent Martine Gross et Mathieu Peyceré de l'APGL. La révolution, «c'est que la parenté et la filiation légale ne se confondent pas systématiquement avec les liens biologiques» (1). Or séparer la procréation de la parentalité passe mal. «En Espagne, quand le verrou de la dictature a sauté, le pays est devenu profondément laïc. En France, l'Etat a repris des fonctions symboliques de l'Eglise, explique l'ethnologue Anne Cadoret (lire en page 4). On le voit très bien dans le mariage civil: le mari d'une femme est le père de l'enfant. Cela fait penser que les deux époux sont une seule chair comme dans le mariage chrétien.» Les résistances se sont aussi élaborées au nom de l'universalisme, contre les risques de «dérive communautariste». «Les pays anglo-saxons ont agi avec bien plus de pragmatisme, ont su prendre en compte des besoins des citoyens», dit Martine Gross.Enjeux. Même la recherche est devenue un enjeu du débat : la classe politique s'abrite derrière l'absence de recul ou le biais militant des études. Susan Golombok travaille depuis les années 1970 sur les enfants de mères lesbiennes en Angleterre : «Le fait de ne pas être lesbienne m'a aidée. Mes études ont été prises plus au sérieux, sachant que je n'étais pas concernée, raconte-t-elle dans Têtu. Aucune des inquiétudes exprimées il y a trente ans sur ces familles ne s'est révélée fondée.» «On n'en est plus là, soupirent les organisateurs de la conférence. Il n'y aura pas d'intervention pour dire si ces enfants vont bien ou pas. Aujourd'hui, on étudie les familles homoparentales pour parler des familles contemporaines.» La réflexion est incontournable. D'abord parce que ces enfants sont là (plusieurs centaines de milliers d'après l'APGL). Les trois principales motions socialistes qui seront débattues au Congrès du Mans ont incorporé l'homoparentalité (lire ci-dessous). Même la droite reconnaît cette réalité. Ainsi, l'APGL est auditionnée par les députés de la mission d'information sur la famille. «IIs comprennent qu'il faut trouver un statut au parent social. Que cela va dans l'intérêt de l'enfant», a constaté Martine Gross. Cette notion, brandie au moment du Pacs pour barrer la voie de l'adoption, est à présent invoquée pour protéger les enfants issus de familles homosexuelles.C'est également ce qui est esquissé dans les tribunaux. «Il s'agit ici non pas d'inscrire un enfant dans la filiation de la personne qui n'est pas le parent biologique, mais de permettre l'exercice conjoint des droits et des devoirs du parent biologique et de la personne qui partage sa vie avec les enfants», précise l'avocate Caroline Mécary. La loi du 4 mars 2002 de Ségolène Royal sur l'autorité parentale, prévue pour donner un statut au beau-parent, est de plus en plus utilisée par les couples homos. A Paris, l'an dernier, Marie-Laure, qui avait porté ses trois filles issues d'une insémination artificielle, et Carla, qui avait été reconnue mère adoptive en 2001, ont eu la joie d'obtenir le droit d'exercer ensemble l'autorité parentale. Une manière de combler un peu le retard accumulé par la France.(1) Martine Gross et Mathieu Peyceré, Fonder une famille homoparentale, préfacé par D. Strauss-Kahn, Ramsay.
