Annonce Homme et chimpanzé proches dans les gènes et le temps Le chimpanzé et l'homme partagent plus de 98 % de leur génome. Jusqu'à présent, la date de la séparation entre les deux espèces - la spéciation - était, selon les fossiles, estimée à 6,5-7 millions d'années. Une étude génétique réalisée par Nick Patterson et David Reich, du Massachusetts Institute of Technology (MIT), et publiée dans Nature du 18 mai, rajeunit considérablement la date de la spéciation en la plaçant entre 6,3 et 5,4 millions d'années. Elle indique aussi que le processus de séparation entre l'homme et le chimpanzé a été long - 4 millions d'années - et complexe. Car, après s'être séparées une première fois, les deux espèces se seraient retrouvées et hybridées, avant de se séparer définitivement. Autre particularité de l'étude américaine : le chromosome sexuel x est plus jeune de 1,2 million d'années par rapport à l'âge moyen des 22 autres chromosomes non sexuels analysés. Cette annonce résulte d'une analyse génétique de grande ampleur menée sur 20 millions de paires de bases appartenant au génome de l'homme, du chimpanzé, du gorille, de l'orang-outan et du macaque. "Ce qui est nouveau et intéressant, car jusqu'à présent les études étaient effectuées sur de petites portions du génome", précise Véronique Barriel, spécialiste de la philogénie des primates au Muséum national d'histoire naturelle. "Mais je suis surprise par la durée de la spéciation, qui me paraît un peu longue." Ces résultats provoquent des remous chez les paléoanthropologues, car la spéciation entre humains et chimpanzés est postérieure aux trois proto-humains connus à ce jour : Toumaï (7 millions d'années), Orrorin (6 millions d'années) et Ardipithecus kadabba (5,6 millions d'années), tous trois découverts en Afrique. Ce qui pourrait remettre en cause l'appartenance de ces bipèdes au groupe des hominidés. Patrick Vignaud, paléontologue et proche collaborateur de Michel Brunet - "père" de Toumaï - à l'université de Poitiers, ne s'émeut guère de ces résultats : "Les caractères de Toumaï, dit-il, sont clairement typiques de la lignée humaine et non de la lignée chimpanzé." Le paléontologue note aussi que "les études génétiques rajeunissent systématiquement l'âge des fossiles". Jean-Jacques Jaeger, professeur de paléontologie à l'université de Poitiers, reste pour sa part "perplexe" devant l'étude américaine, notamment en ce qui concerne l'hybridation constatée. Lluis Quintana-Murcie, spécialiste de génétique des populations (CNRS-Institut Pasteur), trouve quant à lui la nouvelle étude très intéressante. Mais il lui paraît "prématuré de comparer les datations, car aujourd'hui on en est encore au tout début des datations fiables en génétique. Et il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine".