Manifestation Hier, le bâtiment vide de la porte Dorée, à Paris, a été occupé, avant d'être évacué. Dans l'ex-musée des colonies, la colère actuelle des sans-papiers ls sont entrés comme dans du beurre, sous le regard médusé des gardiens. A Paris, porte Dorée, ce musée est encore un souvenir. Il a abrité les Arts africains, les colonies. Il devrait avoir un avenir : celui de l'immigration. En attendant, il n'y a plus rien. Rien que des crocodiles, des tortues et des piranhas dans l'aquarium du sous-sol. Et de monumentales pièces vides. Plus de deux cents sans-papiers ont occupé la grande Salle des cinq continents, dévolue aux spectacles, à 15 heures hier. En entrant, des applaudissements et des cris ont résonné. Scandés ainsi : «On est chez nous. Qu'est ce qu'on veut ? Des papiers !» Sur les murs: un esclave enchaîné parle avec un prêtre. Des caravelles voguent à la découverte de nouveaux mondes. Sur la scène, Jean-Claude Amara, du DAL (Droit au logement), donne les consignes pratiques : «Il faut qu'il y ait des gens qui surveillent l'escalier et surtout qu'on puisse utiliser les toilettes.» Plus tard, un autre militant : «Il ne faut pas fumer, c'est un musée.» Tétines. Le matin même, Jean-Claude Amara avait averti : «ça va être une occupation très dure si on arrive à entrer dans les lieux.» Il y a des enfants dans des poussettes, avec des tétines dans la bouche. Des drapeaux qu'on agite. Un porte-voix qui grésille. Des gens se regroupent, pour discuter. Certains n'ont jamais participé à une telle opération. Une femme les sermonne : «on n'est pas là pour parler, mais pour occuper.» Et elle leur crie des slogans dans les oreilles. A la tribune, Mouloud Aounit, du Mrap, parle de cette occupation comme d'un symbole : «On a oublié qu'on avait pillé des territoires, ce qui pousse aujourd'hui les gens à les quitter. Demain on nous dit qu'on va créer un musée de l'Immigration. On veut parler d'un musée en oubliant les vivants !» Dans un coin, trois femmes, dont Enzatou. Elle refuse d'entendre parler d'hier : «Les enfants qui sont nés ici, ils ne sont jamais allés en Afrique, pour eux, c'est une nouvelle vie.» Toujours à la tribune, Aounit s'en prend à Villepin, dont il juge l'attitude «indigne» : «Il veut faire mieux que Sarkozy, expulser 20 000 personnes en 2005.» Et il conclut : «Aujourd'hui, on va clamer haut et fort notre exigence de dignité et cette envie de vivre au grand jour.» 15 h 45. Matignon a été contacté. Aounit : «Ils ont proposé Toubon (le futur responsable du musée de l'Immigration). On a refusé. C'est le Premier ministre qu'on veut voir.» qu'ils n'ont pas de papiers. Des gens comme Estimable, 34 ans, des jumeaux de 7 ans : «A cause de mon papier refusé, je suis nulle, je ne peux rien faire.» Le Samu social l'aide. Elle dort à l'Etap hôtel. Footballeur. Il y a aussi Miloud, 25 ans, venu de Tunisie parce qu'il «aime ce pays», parce qu'il se sent en France comme chez lui : «ça me donne envie d'y rester.» Il y a Ibrahim, venu en France pour tenter une carrière de footballeur, marié à une femme qui a un titre de séjour. Son club de football l'incite à faire une formation d'éducateur sportif. «Dès que j'aurai des papiers», répond-il. Ibrahim dit : «Ils ont tout bouché, même si vous avez un bon dossier, tout est fermé.» 17 heures. Les CRS vont entrer. Ils ont reçu un ordre de réquisition. On discute sur la manière d'évacuer les lieux. Amara : «Ils vont de toute façon expulser. Est-ce qu'on sort ensemble ?» Dans un talkie-walkie, un policier en civil : «Que les CRS ne poussent pas, ça va sortir tout seul.» Les CRS encadrent. Les sans-papiers continuent à crier leurs slogans. Une partie d'entre eux se rend à l'église Saint-Bernard lieu historique de la lutte militante où d'autres sans papiers, environ 200, s'étaient donné rendez-vous, avant d'être eux aussi évacués. Hier soir, de nouvelles actions se préparaient. Amara : «Le plus important, c'est qu'on ait retrouvé une capacité à s'organiser et se rassembler.»