Scandale Hervé Gaymard de plus en plus fragilisé au sein du gouvernement "Le Monde" révèle que M. Gaymard louait son appartement personnel pour environ "2 500 euros par mois". Ce nouvel élément alimente une polémique qui embarrasse le gouvernement et Jacques Chirac, dont le ministre de l'économie est un proche."C'est forcément gênant". Jean-Pierre Raffarin a juste lâché ces quelques mots, mardi soir, à propos de l'affaire d'appartement dans lequel se débat depuis une semaine son ministre de l'économie. "Gênant", en effet, car le sujet ne cesse de prendre de l'ampleur au fur et à mesure des maladresses d'Hervé Gaymard. Ainsi, le cabinet du ministre expliquait-il hier au Monde que les Gaymard louent "2 500 euros par mois" l'appartement qui leur appartient, boulevard Saint-Michel. Alors même qu'ils avaient opté pour ce duplex de 600 mètres carrés, loué 14 000 euros par mois par l'Etat, qui fait aujourd'hui scandale. M. Gaymard refuse désormais de parler à la presse. Louer son appartement personnel alors qu'on bénéficie d'un logement de fonction n'est pas illégal. Mais cet élément vient fragiliser un peu plus la situation d'un ministre qui est censé incarner une politique de réduction des dépenses publiques.M. Raffarin s'inquiète d'ailleurs sérieusement des suites politiques du scandale. Pourra-t-il garder son ministre de l'économie si celui-ci est profondément discrédité ? Mardi, la rumeur de la démission de M. Gaymard n'a cessé d'enfler. Démentie avec force par Bercy : "Le ministre n'a absolument pas présenté sa démission à Jacques Chirac", affirmait-on dans l'entourage de M. Gaymard. Interrogé à son tour, M. Raffarin a seulement répondu : "Selon la Constitution, c'est à moi qu'il doit offrir sa démission." Pas un mot pour soutenir son ministre de l'économie. Il y a encore une dizaine de jours, M. Gaymard assurait être à Bercy jusqu'à la fin de la législature, pour les 30 prochains mois...Jean-Pierre Raffarin s'attache surtout à éviter que l'incendie ne gagne tout le gouvernement. Tous les ministres ont été fermement priés de se mettre en conformité très rapidement avec la nouvelle circulaire de Matignon qui fixe les surfaces et les indemnités prévues pour les logements de fonction. Pour sa part, le premier ministre s'attache maintenant à expliquer que la procédure de location du duplex de 600 m2 des Gaymard "n'est pas remontée jusqu'à lui" et a été gérée au niveau du secrétariat général du gouvernement. Même si, pourtant, son directeur de cabinet à Matignon, Michel Boyon, a été parfaitement informé du choix de l'appartement et du montant de son loyer. Mais M. Raffarin refuse que son image soit entachée par "l'affaire". "Je suis le premier premier ministre qui n'ait jamais vu un "billet" circuler dans le cabinet" répète-t-il ainsi en rappelant sa réforme de la rémunération des membres des équipes ministérielles. Quant à l'Elysée... Jacques Chirac n'a pas eu un geste de soutien public pour celui qui était son protégé et les conseillers du président n'ont que des commentaires sévères sur l'affaire.Chacun a pu voir, ces derniers jours, à quel point le ministre de l'économie, qui incarnait autrefois cette "nouvelle génération" de l'UMP censée renouveler la politique, est désormais ébranlé. M. Gaymard est presque systématiquement en retrait, dans les réunions interministérielles. Mais il a décidé de ne rien changer à son emploi du temps et tente de donner le change devant la presse. Affirmant que M. Chirac n'évoque pas avec lui ses difficultés, "Pourquoi voulez vous que le président m'en parle", interroge-t-il. Puis il affirme : "Est-ce que j'ai l'air de quelqu'un qui a besoin qu'on lui remonte le moral ?"Mardi 22 février, il s'est ainsi efforcé de se concentrer sur la visite de la centrale nucléaire de Gravelines, d'une usine d'aluminium, suivi d'un déjeuner avec des chefs d'entreprise. Mais ses conseillers savent bien que tout peut désormais devenir sujet à controverse. Mardi, à Gravelines, c'est avec soulagement qu'ils n'ont vu qu'une seule pancarte brandie par un représentant de la CGT, dans une délégation clairsemée, affirmant "comme le ministre Gaymard, nous voulons une prime de logement à 14 000 euros".TERRIBLES MALADRESSESLes autres ministres, cependant, restent sévères pour M. Gaymard. Etonnés, surtout, des terribles maladresses de communication du ministre, dans la tempête. Le ministre de l'intérieur Dominique de Villepin, qui a vécu en 1995, depuis l'Elysée, l'épisode de l'appartement d'Alain Juppé et les nombreux scandales qui ont touché Jacques Chirac lui-même, lors de son premier mandat, a ainsi mis en garde le premier ministre lorsque le Canard enchaîné a publié ses premières révélations : "Il faut bouger. 600 m2, ça doit interpeller", avait fait remarquer le ministre. La plupart des ministres font mine d'être atterrés par la défense de leur collègue : "Comment a-t-il pu admettre publiquement, même si c'est vrai, ne pas connaître le montant de son loyer de 14 000 euros...", s'interroge l'un d'eux.Chacun a noté combien les nombreuses émissions donnant la parole aux auditeurs, sur les radios, ont été assaillies de remarques acerbes sur "le duplex à 14 000 euros". Et plusieurs ministres se racontent, le matin, les sketches cinglants des Guignols de l'info qui ont fait de la famille Gaymard, enfants compris, de nouveaux personnages. Bref, chaque ministre observe la nasse dans laquelle semble pris leur collègue.Tout devient, du coup, sujet à ironie. Mardi soir, Jean-Pierre Raffarin et Jean-Louis Borloo qui regardaient ensemble un film de Serge Moati sur les cités ont pu le constater. Un jeune d'une cité lançait dans le film, tourné plusieurs semaines avant l'affaire : "On veut tous des duplex." MM. Raffarin et Borloo n'ont pu qu'échanger un bref regard consterné.Sophie Fay et Christophe JakubyszynLe ministre loue son appartementPropriétaire d'un appartement boulevard Saint-Michel, qu'il occupait avant de s'installer au ministère de l'agriculture, Hervé Gaymard le loue "régulièrement, avec un bail, à une famille nombreuse", a indiqué, au Monde, la porte-parole du ministre, mardi 22 février. Dans son édition du 23 février, Le Canard enchaîné indique : "Les Gaymard ont déclaré "prêter bénévolement" cet appartement depuis plus de deux ans à un ami haut fonctionnaire au Contrôle général de la marine".Cet appartement de 190 m2, selon la porte-parole, est loué "aux alentours de 2 500 euros par mois, ce qui permet - à M. Gaymard - de rembourser le prêt" contracté pour acheter ce bien immobilier. Ce logement ne compte que quatre chambres. Le couple Gaymard estime que les trois chambres prévues pour les enfants ne permettent pas d'installer leurs huit enfants (âgés de 7 à 17 ans), dont plusieurs sont adolescents.
