Mort de György Sandor Le

Mort György Sandor Le pianiste américain d'origine hongroise György Sandor est mort à New York, vendredi 9 décembre. Il était âgé de 93 ans. Né le 21 septembre 1912 à Budapest, György Sandor, connu pour ses interprétations de la musique de son compatriote Bela Bartok, jouait toujours du piano. Il blaguait volontiers en prétendant que "seules les premières quatre-vingt-dix années sont difficiles, après c'est beaucoup plus facile". Il enseignait et continuait d'avoir la passion de la transmission orale de l'interprétation, car ce bavard impénitent, qui avait tant de choses à dire sur la musique, tenait beaucoup à prendre la parole lors de ses concerts. György Sandor avait émigré aux Etats-Unis, y avait fait ses débuts à Carnegie Hall en 1939 et avait été naturalisé citoyen américain en 1941. Sa dernière apparition en France remonte au 12 avril 2003, à l'occasion d'un festival organisé à La Cigale, à Paris, par le distributeur de disques Abeille Musique (notamment des disques Vox, pour lesquels Sandor avait enregistré). Le public bigarré de cette soirée avait écouté, médusé, pendant de longues minutes, ce fringant vieux monsieur (en sa jeunesse, Sandor ressemblait à George Gershwin) expliquer, dans un excellent français, comment il fallait comprendre et interpréter la musique de Bela Bartok. György Sandor s'y connaissait — et pour cause : son professeur de piano, à Budapest, n'avait été autre que le compositeur lui-même. Bartok allait lui dispenser un enseignement inoubliable et se lier d'une amitié indéfectible avec le jeune pianiste, l'un des rares à avoir vu le compositeur durant les dernières semaines de sa pénible vie. Ainsi, György Sandor aura eu le privilège d'entendre Bela Bartok créer sa Sonate pour piano en 1927 et la tristesse d'avoir enterré le musicien à New York, en septembre 1945, dans la misère et l'indifférence générale. "Je dois témoigner que, malheureusement, aucun musicien d'importance n'était présent. (...) Seuls quelques proches ont accompagné la dépouille de Bartok au cimetière. Deux petites automobiles ont suffi...", devait déclarer Sandor au cours d'une interview radiophonique de 1947, transcrite dans Bartok Remembered, de Malcolm Gillies (Norton, 1991). Pour autant, György Sandor détestait qu'on le tînt pour le spécialiste de la seule musique de Bartok. Il nous avait confié (Le Monde daté 13-14 avril 2003) : "Si j'ai bien joué Bartok, c'est parce que je pouvais bien jouer d'autres musiques, du moins je l'espère... Je ne crois pas le moins du monde à ces histoires d'écoles, les Hongrois pour Bartok, les Français pour Debussy, les Russes pour Prokofiev." Ainsi que l'a rapporté György Sandor, Bartok, juste avant de mourir, lui avait confié la mise au point des épreuves du Concerto pour orchestre. Après la mort du compositeur, sa veuve, Ditta Pasztory, devait remettre à Sandor le manuscrit du Troisième concerto pour piano, que le pianiste allait créer en janvier 1946 avec l'Orchestre de Philadelphie, sous la direction d'Eugene Ormandy, et enregistrer en première mondiale, en avril de la même année, pour les disques Columbia. György Sandor enregistrera l'intégrale de la musique pour piano seul de Bartok en 1965 (disponible dans un coffret de 5 CD économiques Vox, distribués par Abeille Musique) et une anthologie en 4 CD pour Sony Classical en 1995 (supprimée du catalogue français).