Révélation "Gorge profonde", source-clé du Watergate, est sorti de l'ombre Je suis le gars qu'on a appelé 'Gorge profonde (Deep Throat)'", a confié, mardi 31 mai, Mark Felt, ancien numéro 2 du FBI. La nouvelle est d'abord parue dans le magazine Vanity Fair puis confirmée juste après par le Washington Post, levant le voile sur l'un des plus grands secrets de l'histoire du journalisme, gardé pendant trente ans. Les informations de Mark Felt, sous anonymat, avaient permis au Washington Post de construire sa réputation en révélant les dessous du Watergate, l'affaire qui conduisit à la démission du président des Etats-Unis, Richard Nixon, en 1974. Le vieux monsieur, en "une" du site du Washington Post, mercredi 1er juin, était à l'époque la source secrète du journaliste Bob Woodward, qui enquêtait avec son confrère Carl Bernstein. Seul leur rédacteur en chef, Ben Bradlee, était dans la confidence, et tous trois avaient juré de préserver l'anonymat de la source jusqu'à sa mort. M. Felt a aidé le Post à une époque de très forte tension entre la Maison Blanche et une grande partie de la hiérarchie du FBI, explique Woodward sur le site du quotidien. Il espérait être promu à la tête du FBI, quelques semaines avant le "cambriolage" à l'origine du scandale du Watergate, ajoute-t-il. Selon Vanity Fair, Woodward s'en était jusqu'à présent tenu au silence qu'il observait depuis 1974, parce qu'il redoutait que la famille de Felt n'exploite son déclin physique et mental pour le livrer à la curiosité du public. IL NE VOULAIT PAS DÉMOLIR NIXON De son côté, la famille de Mark Felt a assuré que ce dernier ne cherchait pas à démolir Nixon. "Non, je n'essayais pas de le descendre", aurait-il déclaré à sa fille, insistant qu'il "ne faisait que (son) devoir", selon Vanity Fair. Joan Felt a finalement persuadé son père de révéler son identité de son vivant malgré de sérieuses réticences, en l'assurant que cela pourrait lui rapporter de l'argent pour financer la scolarité de ses petits-enfants, selon le magazine. Il était notamment inquiet que son action puisse être jugée indigne ou même illégale. Le 9 août 1974, Richard Nixon démissionnait à l'issue d'un long scandale ayant débuté deux ans plus tôt par le "cambriolage" des bureaux du parti démocrate à Washington, par cinq hommes qui avaient tenté d'installer des micros d'écoute. Deux journalistes chargés des pages locales, Bob Woodward et Carl Bernstein, tous deux âgés de moins de 30 ans, se distinguent alors par leur enquête, révélant les liens du cambriolage avec la Maison Blanche. Leur livre "Les hommes du président" connaît un immense succès, son adaptation au cinéma, sous les traits de Dustin Hoffman et Robert Redford, achevant de les rendre célèbres. Leur malicieux rédacteur en chef, le légendaire Ben Bradlee, a expliqué, mardi 31 mai, avec une pointe de jubilation, que cela avait été rassurant de publier des informations explosives sur le scandale, en sachant qu'une des sources était un haut responsable du FBI. Il n'a connu le nom précis de la source que quelques semaines après la démission de Nixon, a-t-il indiqué."C'était intéressant de voir tout le monde patauger dans des hypothèses farfelues", a ajouté l'homme âgé de 83 ans, évoquant les mille conjectures sur la possible identité de "Gorge profonde", un surnom potache emprunté au titre d'un film porno sorti en 1972.