Mort de Gillo Pontecorvo Le

Mort Gillo Pontecorvo Le cinéaste italien Gillo Pontecorvo est mort à Rome, jeudi 12 octobre, à l'âge de 86 ans. Né à Pise le 19 novembre 1919, scientifique de formation, puis journaliste, Gillo Pontecorvo décide de faire du cinéma en voyant Païsa de Roberto Rossellini (1946). Lorsqu'il ne signe pas des documentaires, il sera obsédé toute sa vie par le souci de réaliser des images ressemblant le plus possible à des documents d'actualité. Giovanna (1956), moyen métrage, relate une grève de femmes dans une usine de tissus. Salué par la critique, son premier long-métrage (La Grande Route bleue, ou Un dénommé Squarcio, avec Yves Montand et Alida Valli, 1957) est un échec commercial. Le film est tiré d'un roman de Franco Solinas qui devient son scénariste de prédilection. Les deux hommes admirent le livre de Primo Levi, Si c'est un homme, et décident de tenter d'en transmettre l'esprit dans un film. Ce sera Kapo (1959), l'histoire d'une jeune juive internée dans un camp de concentration où elle devient l'auxiliaire des nazis. Solinas et Pontecorvo s'affrontent sur un point : le premier veut insérer une histoire d'amour dans cette évocation de l'infamie où peut sombrer une victime, et le second y est hostile. Franco Cristaldi, le producteur, trouve un compromis : Pontecorvo pourra consacrer les deux premiers tiers du film à montrer le quotidien dans un camp d'extermination, l'histoire d'amour n'arrivant qu'à la fin, pour symboliser la rédemption de l'héroïne. Désigné par Luchino Visconti comme le meilleur film de l'année, salué par Roberto Rossellini, Kapo représente l'Italie aux Oscars. Mais un article de Jacques Rivette paru dans le n°120 des Cahiers du cinéma ("De l'abjection") le discrédite à jamais aux yeux des cinéphiles français. Rivette y accuse Pontecorvo d'avoir transformé l'horreur des camps en spectacle, de l'avoir rendue supportable. Surtout, il s'en prend à un bref plan, celui où le personnage d'Emmanuelle Riva court se suicider en se jetant sur les barbelés électrifiés. "L'homme qui décide à ce moment de faire un travelling-avant pour recadrer le cadavre en contre-plongée (...) n'a droit qu'au plus profond mépris." Plus tard, Serge Daney fera de cet exemple son dogme. SENTIMENT D'AUTHENTICITÉ Atteint par cette polémique, Gillo Pontecorvo va prouver en 1966 qu'aussi maladroit soit le mouvement de caméra de Kapo incriminé, il ne mérite pas cette infamie. Couronné par le Lion d'or de Venise, La Bataille d'Alger relate l'insurrection des membres du FLN et la répression de l'armée française. Pontecorvo y dépeint les rues de la Casbah, la guérilla nationaliste, les attentats dans les cafés ou magasins, les tortures utilisées par les parachutistes pour démanteler les réseaux, avec un souci d'éviter les clichés. Ses images en noir et blanc filmées caméra sur l'épaule donnent un sentiment d'authenticité. Il fallut attendre 1970 pour que ce film financé par le gouvernement algérien soit projeté en France. Les convictions communistes de Pontecorvo le pousseront à resigner un film anticolonialiste en 1971, Queimada (sur le mécanisme de l'oppression impérialiste aux Antilles, avec Marlon Brando). Dans Ogro (1979), il traite du terrorisme à travers l'attentat qui coûta la vie à un proche collaborateur de Franco. Directeur de la Mostra de Venise de 1992 à 1996, Gillo Pontecorvo avait déclaré en 1983 au Guardian : "Je ne suis pas un révolutionnaire à tout prix. Je suis simplement un homme de gauche, comme beaucoup de juifs italiens."