Mort de Georgeta Horodincà
Mort Georgeta Horodincà, essayiste et romancière roumaineEssayiste et romancière, critique et traductrice, occupant des positions importantes au sein des périodiques culturels les plus lus de Bucarest, mais également secrétaire de la puissante Union des écrivains roumains au cours des années 1960, Georgeta Horodincà est morte samedi 1er juillet à Paris. Elle était âgée de 76 ans.Née dans un village de Bessarabie, province orientale du pays annexée en 1940 par l'URSS, à la suite du pacte germano-soviétique, elle fait ses études universitaires à Jassy, capitale de la Moldavie roumaine. Adulte, tout en entreprenant une carrière littéraire, elle croit, comme tant d'autres qui le nient farouchement aujourd'hui, que les lendemains chanteront. Néanmoins, elle rejette déjà le dogmatisme réducteur de "l'obsédante décennie", celle des années 1950, marquées par la terreur instaurée par les affidés de Staline. Déjà à la fin de cette période sinistre, elle réussit à publier une monographie substantielle sur Sartre.A la faveur d'un semblant de dégel provoqué par le nouveau dictateur du pays lors de la décennie suivante (rares voyages à l'étranger, parution de quelques auteurs occidentaux, relâchement apparent de la terreur), elle traduit en roumain Michel Butor (La Modification), Albert Camus (L'Etranger) et Gaëtan Picon (L'Usage de la lecture). Ses essais consacrés aux romanciers non conformistes roumains commencent à paraître. Parmi eux, Nicolae Breban, Gelu Naum et Marin Preda, tous déjà traduits et publiés en France. Le premier recueil de nouvelles de Georgeta Horodincà, Les Bâtards (Bastarzii, en roumain) est récompensé par l'Académie de Bucarest en 1979. Deux ans plus tard, son roman Les Somnambules du soleil (En Somnambulii soarelui) rencontre un accueil chaleureux.Voilà que cette libéralisation bancale n'était qu'un leurre. Ceaucescu s'inspirait de ses précurseurs à la tête des principautés danubiennes, jouant les grandes puissances les unes contre les autres, se faisant passer tantôt pour un défenseur de l'Occident, tantôt pour un fidèle à Moscou, tout en instaurant, avec l'aval des populations et des gouvernements occidentaux, une dictature national-communiste féroce.Accusée de s'entourer de collaborateurs juifs (n'était-elle pas l'épouse du philosophe roumain d'origine juive Nicolae Tertulian, professeur à l'Ecole des hautes études de Paris ?) et d'ouvrir le pays aux influences "étrangères", l'écrivaine se retrouve sans travail et marginalisée. Elle réussit néanmoins, grâce aux interventions tenaces du Quai d'Orsay, à rejoindre, avec leur enfant, son mari.A Paris, Georgeta Horodincà traduit et fait paraître deux des plus singuliers romanciers roumains d'entre les deux guerres : Max Blecher (Aventures de l'irréalité immédiate, chez Maurice Nadeau) et Gib Mihàescu (La Femme russe, chez Jacqueline Chambon). En 1990, elle publie un autre roman, écrit directement en français, La Saison morte, une histoire roumaine (Ramsay) ainsi que plusieurs nouvelles dans des recueils collectifs, chez Seghers.Francophone aussi bien que roumanophone, son dernier livre rédigé en roumain, Dimanche soir (Duminecà seara) vient de paraître aux éditions Apostrof, à Cluj. Dans cet essai consacré à André Breton et au surréalisme, il est également question de l'incroyable explosion nationaliste pendant le règne du dernier tyran roumain. Un roman encore inédit, La Songeuse. Une affection de longue durée, rédigé en français, raconte l'expérience de la maladie qui l'a emportée.