Mort de Georges Guingouin
Mort Georges Guingouin, le "préfet du maquis"Compagnon de la Libération, figure emblématique de la Résistance, Georges Guingouin est mort dans la nuit du jeudi 27 au vendredi 28 à l'hôpital de Troyes (Aube). Il était âgé de 92 ans.Georges Guingouin sera inhumé à Saint-Gilles-lès-Forêts (Haute-Vienne), sur les pentes du mont Gargan. C'est là qu'il avait fait ses débuts d'instituteur. Et c'est là que pendant la seconde guerre mondiale il avait imposé son autorité de "préfet du maquis", qui lui vaudra d'être fait compagnon de la Libération. Rarement décernée à un communiste il n'y en a eu que 12 sur un total de 1 053 , cette distinction n'empêchera pas son exclusion du parti.Né le 2 février 1913 à Magnac-Laval (Haute-Vienne), d'une mère institutrice et d'un père qu'il n'a pas connu, un militaire mort au front dès 1914, Georges Guingouin devient instituteur en 1935.Arrive la guerre, puis la défaite : militant actif, il est responsable du "rayon" Eymoutiers (Haute-Vienne), en montagne limousine. C'est dans cette contrée rurale, traditionnellement "rouge", qu'il organise dès 1940 un embryon de résistance.Recherché par la police de Vichy, il se cache de ferme en ferme, organise des vols d'explosifs et des sabotages de botteleuses pour empêcher les récoltes de quitter la région, d'usines qui travaillent pour l'armement nazi. Il constitue peu à peu des groupes de francs-tireurs, avec des paysans, des républicains espagnols, puis avec des réfractaires au STO (service du travail obligatoire). Il gouverne la nuit ce territoire difficile d'accès, fixe le prix des denrées, interdit le marché noir, signe ses circulaires du titre de "préfet du maquis".Après le débarquement allié du 6 juin 1944, ses groupes participent au harcèlement de la division SS d'élite Das Reich, qui remonte de Montauban vers le front de Normandie. C'est à ce moment-là aussi qu'il s'oppose aux directives de son parti : ordre est donné de s'emparer des villes de l'intérieur pour fixer sur place un maximum de forces allemandes. C'est ainsi que Tulle (Corrèze) est libérée, puis reprise par la division Das Reich avec de lourdes conséquences : 99 pendus et 162 déportés.Georges Guingouin refuse de prendre Limoges. Trop de risques, estime-t-il, pour la population civile. Ce refus ne lui sera pas pardonné. C'est la bataille du mont Gargan, du 17 au 24 juillet 1944, qui consacre son prestige militaire. Suite à un parachutage d'armes par l'aviation britannique, les unités allemandes convergent de Limoges, Brive, Tulle, Aurillac.Au terme d'une bataille frontale d'une semaine, les "maquis" repoussent les assauts et restent maîtres du terrain. Ils investissent ensuite progressivement Limoges.Georges Guingouin est alors désigné par le comité national de la Résistance comme le chef départemental des FFI, les Forces françaises de l'intérieur. Le 21 août, il obtient, sans combat, la reddition de la garnison de Limoges.REPENTIR DU PCFElu maire de la ville, il n'en est pas moins marginalisé par la direction nationale du PCF. Suspecté de "titisme" du nom de Josip Broz Tito, libérateur de la Yougoslavie , il est exclu le 9 novembre 1952, à la même époque que plusieurs figures majeures du parti, notamment Charles Tillon, l'organisateur des FTP.Devenu un homme seul, Georges Guingouin est aussitôt la cible d'un hallali : d'anciens policiers et magistrats de Vichy réincorporés, des adversaires de la droite classique, et de la principale figure du socialisme limousin, le normalien supérieur Jean LeBail, qui, dans une série d'écrits, Limousin terre d'épouvante, l'accuse de toutes les affaires de droit commun qui ont pu accompagner les vengeances et les désordres de la Libération. Il réussit à provoquer l'ouverture d'une instruction.A Noël 1953, Georges Guingouin est incarcéré à la prison de Brive. Le 22 février 1954, il y est victime d'une tentative d'assassinat dans sa cellule. Hospitalisé à Toulouse, défendu par deux jeunes avocats, Roland Dumas et Robert Badinter, il est remis en liberté provisoire, au bout de quelques semaines. Après cinq ans d'instruction et de reports, c'est le procureur lui-même qui en 1959 déclare "ne pas comprendre, en son âme et conscience, qu'on ait pu engager des poursuites contre Georges Guingouin".Le non-lieu est prononcé, et Georges Guingouin peut alors reprendre son métier d'instituteur, dans l'Aube d'où sa femme, Henriette, est originaire.En 1998, Robert Hue, au nom du Parti communiste, fait acte de repentance et prononce la réhabilitation de Georges Guingouin. Réaction de l'intéressé : "C'est un problème du parti avec lui-même, ça ne me concerne plus, j'ai atteint l'âge de la sérénité."