Annonce GÉNÉTIQUE L'Association française contre les myopathies lance un ambitieux programme de recherche Le Décrypthon : des supercalculateurs pour percer le secret des protéines Toujours sur la brèche, l'Association française contre les myopathies (AFM) vient de lancer, avec le CNRS, la société d'informatique IBM et quatre grandes universités françaises (Orsay, Paris-VI, Bordeaux-I, Lille-I), le programme Décrypthon, une initiative originale destinée à mettre à la disposition des biologistes une puissance de calcul adaptée à leurs besoins sans cesse croissants. Dix-sept ans après le premier Téléthon, l'objectif de l'Association française contre les myopathies (AFM) reste inchangé : «Accélérer la recherche pour progresser plus rapidement dans la compréhension des maladies génétiques, notamment des maladies neuromusculaires.» Mais maintenant que la plupart des gènes responsables ont été localisés et identifiés, il faut passer à l'étape suivante, celle des protéines. «Il s'agit de déterminer par quels mécanismes un gène défectueux engendre une protéine qui fonctionne mal et comment cette dernière perturbe la vie normale de la cellule», explique Stéphane Roques, responsable du programme Décrypthon à l'AFM. Le défi est immense. Deux millions de protéines ont été recensées à ce jour dans le monde vivant, contre 500 000 il y a seulement quatre ans lors de la première opération Décrypthon. A l'époque 75 000 internautes avaient mis leur ordinateur en réseau pour permettre aux chercheurs de décrypter ces centaines de milliers de molécules et les comparer chacune deux à deux. Grâce au renfort de cette «grille informatique», le calcul, qui aurait demandé 1 200 ans à un seul opérateur, fut réalisé en quelques semaines seulement ! «La biologie postgénomique croule littéralement sous les données. Pour avancer dans notre travail, nous devons traiter des quantités phénoménales d'informations complexes et hétérogènes», constate Olivier Poch, de l'Institut de génétique biomoléculaire et cellulaire (IGBMC) de Strasbourg. Ce chercheur coordonne l'un des deux projets pilotes sélectionnés à ce jour par le programme Décrypthon. L'objectif de ce travail réalisé en collaboration avec l'Inserm et l'université Louis-Pasteur est double : analyser comment une protéine réagit à une mutation génétique, notamment sur le plan de sa structure moléculaire constituée le plus souvent de chaînes repliées dans l'espace, et élaborer un outil prédictif destiné à mieux comprendre l'impact de ces mutations sur les maladies humaines. Mais comme le souligne Olivier Poch, «nous avons besoin, pour cela, de beaucoup de petaflops !» Autrement dit de réseaux d'ordinateurs capables de traiter un million de milliards d'opérations à la seconde... Animé par Christiane Branlant, du laboratoire de maturation des ARN et enzymologie moléculaire de Nancy, le second projet, auquel participe l'Inria et l'Institut national polytechnique de Lorraine, vise à déterminer les liens qui existent entre les défauts d'épissage (c'est-à-dire les erreurs de lecture du code génétique) et les maladies génétiques. Au total, suite à l'appel d'offres lancé en décembre dernier, une dizaine de projets scientifiques de même nature devraient bénéficier de la puissance de calcul offerte par Décrypthon au cours des trois ans à venir. Deux types de prestations seront offertes selon la spécificité et les besoins des projets sélectionnés. Dans un premier temps, IBM a installé des supercalculateurs dans les quatre universités partenaires du programme dont la puissance initiale sera de 298 gigaflops (ou milliards d'opérations réalisées à la seconde) auxquels pourront s'ajouter les 473 gigaflops déjà présents dans les universités. L'ensemble de ces ressources informatiques sera coordonné par le réseau à haut débit Renater (1). Cette grille «universitaire» pourra éventuellement être complétée par une grille dite d'internautes, fonctionnant sur le modèle de celle mise en oeuvre il y a quatre ans. Le principe est le suivant : chaque ordinateur individuel met à la disposition des scientifiques des «cycles de calcul» non utilisés par leur machine. Plus ils sont nombreux, plus la puissance de la grille est élevée. Reste le nerf de la guerre. Parrain de l'opération, Thierry Lhermitte a expliqué qu'il manquait un million d'euros par an pour boucler le budget (évalué à 1,8 million d'euros par an sur trois ans). Une campagne de collecte est donc lancée à destination des entreprises sous forme d'achat de parts d'une valeur unitaire de 1 000 euros, en partie déductible fiscalement. Une occasion de participer à un projet «passionnant et ambitieux», a souligné l'acteur vedette.