Annonce Fumée noire pour le pape au Vatican Le premier vote du conclave détermine le rapport de forces entre conservateurs et réformistes. Ce fut donc une fumée noire, signe d'échec. Mais ce ne fut pas une surprise. Au conclave, le premier scrutin sert avant tout à mesurer les rapports de force entre les différents courants. Ni les conservateurs, qui font bloc autour du cardinal Joseph Ratzinger, 78 ans, inflexible gardien du dogme, ni les «réformistes», qui se sont sans doute rassemblés autour de l'ancien archevêque de Milan, Carla Maria Martini, ne sont en mesure de l'emporter d'entrée de jeu. «Le Seigneur a déjà choisi le nouveau pape et, nous, nous devons seulement prier pour savoir qui il est», a souligné le cardinal Ennio Antonelli, archevêque de Florence. Pour les croyants, c'est le Saint-Esprit qui inspire les cardinaux dans leur choix. Plus prosaïquement, il s'agit de subtils jeux d'alliances et de compromis qui se font en latin, langue officielle de l'Eglise. «Panzer Kardinal». Quelques heures avant le début du conclave, lors de la grande messe «pour l'élection du pontife romain», le cardinal Ratzinger avait clairement évoqué les priorités du camp conservateur, tonnant contre la «dictature du relativisme». «Avoir une foi claire selon le credo de l'Eglise est souvent étiqueté comme fondamentalisme, alors que le relativisme, c'est-à-dire le fait de se laisser emporter ici et là par n'importe quel vent de doctrine, apparaît comme la seule attitude à la hauteur des temps d'aujourd'hui», a martelé celui que ses nombreux ennemis surnomment le «Panzer Kardinal». La veille, dans leurs homélies prononcées dans diverses paroisses romaines, les réformistes avaient rappelé, tel le Portugais José Policarpa da Cruz, que «le message de l'Eglise ne doit jamais être la froide affirmation d'une doctrine mais une annonce qui touche et émeut». Tout l'après-midi d'hier, des centaines de caméras sont restées pointées sur la petite cheminée de métal qui se dresse entre deux antennes sur le toit de la chapelle Sixtine. Quelque 137 télévisions du monde étaient accréditées pour les funérailles de Jean Paul II et presque toutes sont restées pour l'élection de son successeur. Depuis des années, les terrasses surmontant le Vatican ont été louées à prix d'or, parfois plus de 150 000 dollars par an. Le premier conclave du troisième millénaire, qui doit élire le 264e successeur de Pierre, restera comme celui de la grande médiatisation. Pour la première fois, le Centre de télévision du Vatican a retransmis en direct la procession des 115 cardinaux électeurs vers la chapelle Sixtine. La pompe et le rouge des robes cardinalices sur fond de litanies énumérant les noms des saints. Des images felliniennes de visages de vieillards parfois bouffis ou ravagés. Des panoramiques en contre-plongée des fresques de Michel-Ange et des cardinaux prêtant serment de garder le secret. Des gros plans sur les portes de bois qui se referment. Fumée et alcool. on sait déjà tout de ce que sera la vie quotidienne des porporati, les porteurs de la pourpre. Réveil tous les matins à 6 h 30, puis l'inévitable messe. Chère légère «comme pendant le carême». On peut fumer, mais pas dans la Sixtine. A la résidence Sainte-Marthe, où logent les cardinaux, l'alcool est autorisé. Le défunt cardinal Siri, vétéran de quatre conclaves, assurait ainsi «emporter toujours une bouteille de cognac, surtout pour donner du courage au nouvel élu». Dès dimanche soir, les cardinaux avaient commencé à arriver pour s'installer dans les chambres confortables de la résidence, qui les changeront des logements monacaux avec douches collectives des conclaves précédents. radios et télés ont été retirées et les portables sont interdits. Les valises sont petites, à peine des sacs de week-end. Sachant qu'au cours du XXe siècle, aucun n'a dépassé cinq jours, tous espèrent un conclave bref.