Manifestation Fronde de l'Espagne catholique contre la réforme de l'école privée Le gouvernement du socialiste José Luis Rodriguez Zapatero est confronté au plus important mouvement de contestation depuis son arrivée au pouvoir, après les élections du 14 mars 2004. Plusieurs centaines de milliers de personnes ont manifesté contre son projet de loi organique sur l'éducation (LOE), samedi 12 novembre, à Madrid, à l'appel des parents d'élèves catholiques et des responsables de l'enseignement privé. Le cortège a compté 407 000 personnes selon la préfecture, 1,5 million selon la région, dirigée par l'opposition conservatrice du Parti populaire (PP), et 2 millions selon les organisateurs. La direction du PP était présente en force et les représentants de l'Eglise catholique, conférence épiscopale en tête, avaient appelé les fidèles à manifester. C'est, de loin, la plus grosse manifestation à laquelle a eu à faire face le président du gouvernement, cinq mois après la marche contre le mariage homosexuel à laquelle avait aussi massivement participé l'Espagne catholique. A l'évidence, celle-ci a crié à M. Zapatero un désaccord qui va au-delà de la seule loi sur l'éducation et qui traduit la remobilisation du camp conservateur. L'abondance de drapeaux espagnols dans le cortège exprimait, en creux, le rejet du projet de nouveau statut pour la Catalogne contre lequel l'opposition de droite livre un combat frontal. Pour la première fois, un sondage, publié dimanche par le quotidien de Barcelone La Vanguardia, indique que le PP devancerait les socialistes en cas d'élections, même si son chef, Mariano Rajoy, inspire moins de "confiance" aux électeurs que le président du gouvernement. Cette enquête a été effectuée entre le 7 et le 11 novembre, soit quelques jours après le débat, dans une atmosphère tendue, du projet de statut catalan au Congrès des députés. La discussion de ce texte pourrait durer jusqu'au printemps 2006. Sur le parcours de la manifestation, les slogans se réclamaient de la "liberté", de la qualité de l'enseignement et de la défense de l'enseignement religieux. Les opposants au projet de loi sont issus de l'enseignement privé. Celui-ci scolarise un tiers environ des élèves espagnols, principalement dans ce que l'on appelle des établissements "concertés". Ces établissements sont financés par l'Etat, qui prend notamment en charge les salaires de leurs personnels et l'entretien des bâtiments, ce qui permet une scolarisation gratuite des élèves. Le gouvernement ne touche pas à ce statut. ENSEIGNEMENT DE LA RELIGION En revanche, il veut avoir un droit de regard, à travers des commissions de scolarisation, sur la répartition entre le public et le privé sous contrat des élèves "aux besoins spécifiques", notamment issus de l'immigration, qui sont aujourd'hui, dans leur très grande majorité, accueillis par les écoles publiques. Le privé sous contrat ne veut pas de ces commissions et souhaite que chaque établissement puisse choisir tous les élèves qu'il accueille. L'enseignement de la religion est un autre motif de la protestation. Un cours de religion continuerait d'être proposé aux élèves du public comme du privé – qui peuvent lui préférer une matière de remplacement –, mais il ne compterait pas pour leur notation, le passage dans la classe supérieure ou l'entrée à l'université. Les opposants au texte veulent, au contraire, que la religion soit considérée comme une matière comme une autre. Ils accusent en outre le gouvernement de M. Zapatero d'affaiblir le niveau scolaire en facilitant le passage des élèves dans la classe supérieure et lui reprochent de réduire la part du contenu de l'enseignement commun à toute l'Espagne, le reste étant confié aux régions autonomes. L'enseignement est un sujet hautement polémique depuis des années en Espagne, même si le financement très important du privé, majoritairement catholique, par l'Etat et les régions n'est pas remis en cause. Depuis Felipe Gonzalez, chaque chef de gouvernement rédige sa loi. Le conservateur José Maria Aznar avait fait adopter la sienne, en 2003. A son arrivée au pouvoir, M. Zapatero a suspendu l'essentiel de ses dispositions, que la LOE vise à remplacer. Le débat est d'autant plus aigu qu'une récente étude européenne a mis en évidence les mauvais résultats du système éducatif espagnol.