Annonce Frieze Art Fair, le miracle anglais MARCHé DE L'ART Toute la planète des collectionneurs est venue faire son shopping à la 3e édition de cette jeune foire très tendance qui ferme ses portes ce soir, à Londres. De quoi faire pâlir Paris. Yayoi Kusama, Dots Obsession pour la Galerie italienne Studio Guenzani. (DR.) Cela tient du miracle ! Les wagons de Français ayant pris l'Eurostar jeudi, au petit matin, pour être les premiers à rentrer à la Frieze Art Fair avant le rush du vernissage, n'en croient pas leurs yeux. Le Tout-Paris, le Tout-Londres, le Tout-New York, bref, toute la planète des plus riches collectionneurs mais aussi des plus belles stars – Gwyneth Paltrow, Claudia Schiffer, Elle MacPherson, George Michael... – s'est donné rendez-vous sous la vaste toile blanche et lumineuse installée par le très en vogue architecte David Adjaye dans les jardins de Regent's Park. Foule compacte, incroyablement jeune et bigarrée, osant la provocation avec ses travestis en perruque noire, ses couples en chaussettes rayées et talons compensés, ses femmes aux bibis de Marylin de Warhol, ses hommes en Alice au pays des merveilles comme Grayson Perry, le gagnant 2003 du Turner Prize qui choisira en décembre son vainqueur parmi les quatre nommés (Darren Almond très remarqué à Frieze avec son néon Amnesia chez White Cube) exposés à la Tate Britain. Ils sont venus, ils sont tous là. Des de La Cruz, couple vedette de Miami «inquiet pour leur maison de béton et verre de Keybiscane avec l'arrivée du cyclone» qui a réservé un Christopher Wool chez Pierre Huber, au Breton déçu de l'île Seguin François Pinault, acheteur à 35 000 € chez Massimo de Carlo d'une peinture de l'artiste vivant à New York, Rudolf Stingel. De Jason Martin qui a vendu son immense toile rouge aux effets de pinceau (65 000 £ chez Lisson Gallery) à l'Italien Maurizio Cattelan distribuant les cartons de son nouvel espace à Berlin, la Gagosian Gallery, clin d'oeil provocateur à l'un des plus gros marchands de Manhattan. Un événement artistique et social La preuve que cette jeune manifestation, qui réunit 160 des meilleures galeries internationales (40 de plus qu'en 2003), est devenue en un éclair, non seulement un événement artistique qui s'inscrit dans le parcours des marathoniens des foires – «dont la Fiac ne fait plus forcément partie», affirment sans détour nombre de VIP ! – mais aussi un événement social. L'art contemporain étant aujourd'hui un prétexte formidable de voyages «exotiques», de rencontres «hors norme», de vernissages «hot» comme celui délirant samedi soir à la Whitechapel Art Gallery pour l'installation orgiaque sur les pirates des Caraïbes, Lala Land Parody Paradise, de l'enfant terrible américain, Paul McCarthy, soutenu par la galerie Hauser & Wirth. Ou encore de soirées «ultrasélectes», à l'image de celle donnée par Jay Jopling jeudi soir au Sketch, le restaurant le plus branché de Londres dirigé par Mourad, petit génie de la restauration qui a accompli un tour de force pour accrocher au plafond l'énorme boule lumineuse de Kader Attia exposée au Musée du judaïsme lors des Nuits blanches. Belle revanche pour cet artiste nommé au prix Duchamp dont la carrière lancée par le galeriste français Kamel Mennour devrait exploser en rentrant chez l'Anglais Jay Jopling. Dans toutes les bouches, un seul mot, un seul regret «dommage pour la France», devant le succès écrasant de cette 3e Frieze qui concurrence Miami et Bâle par son programme VIP encore enrichi (formidable exposition d'Araki au Barbican). Qui ose des accrochages d'une originalité inégalée : la palme revient à Eva Presenhuber de Zurich avec ses murs éclatés d'Urs Fischer (125 000 $ l'installation à 3 exemplaires) et à Martin Klosterfelde et à son stand double avec le vrai et le sosie du galeriste (140 000 $ ce Elmgreen & Dragset Project). Qui initie des fonds d'achats privés tel celui lancé par la Tate Modern (150 000 £) sous la direction de Suzane Pagé du Musée d'art moderne de Paris et de Paul Schimmel de Los Angeles. «C'est une tragédie. J'aime Paris mais elle n'a pas su s'intégrer dans une globalisation du marché. On peut se passer de la Fiac qui n'est pas assez contemporaine, pas assez internationale», lançait dans les allées le grand amateur américain Hubert Neumann qui a poursuivi la fabuleuse collection XXe de son père avec Xavier Veillhan et Karen Kilimnik (10 000 $ chez Presenhuber). Dès jeudi, les affaires battaient leur plein sur tous les stands qui brûlaient d'impatience d'accrocher de nouvelles pièces en attente dans l'immense storage (presque une seconde foire !). Il y avait parfois 12 personnes sur la même pièce (record de vente de 35 000 à 60 000 $ chez Pierre Huber pour Subodh Gupta, admiré à la Biennale de Venise). A l'inverse des grandes stars du marché qui font la gloire de la Foire de Bâle (Koons, Mike Kelly, McCarthy, Kippenberger), Frieze mise sur les jeunes. Le très contemporain. La crête de la vague qui peut retomber demain. Une niche qui brasse un argent fou. n www.friezeartfair.com