Mort de François Di Dio
Mort François Di Dio, l'homme-volcan de l'éditionLa destinée de François Di Dio, qui vient de mourir à En Pelat, dans le Gers, mercredi 22 juin, est si singulière, si scrupuleusement exemplaire, qu'elle marque d'un trait de feu, irréductible et pur, l'époque de cendres refroidies où nous sommes.Né en 1921 au centre de la Sicile, à Enna, il fuit avec son père l'Italie fasciste, étudie à Alger, rencontre dans cette ville le libraire-éditeur Charlot qui, le premier, lui donne le goût des livres. En 1942, il rejoint l'Angleterre, s'engage dans les forces françaises libres, participe à la campagne de France dans les rangs de la 2e DB avec le général Leclerc.En 1948, à Paris, il fonde Les Presses du livre français qui, en 1950, deviendront Le Soleil noir. Ces deux intitulés, apparemment contraires, comme dérivés de sphères éloignées sinon opposées, révèlent pourtant la personnalité de François Di Dio, qui portait au plus haut point le sens de l'honneur et celui de la révolte, alliant fougue et fidélité, noblesse et provocation.En fait, il gardait en toutes circonstances une âme de combattant et un profil d'insoumis. C'est ainsi qu'il publie Sade, non pas sous le manteau mais avec préface de Bataille, illustrations de Bellmer et envoi au dépôt légal !C'est ainsi qu'il incite les poètes à répondre, en 1952, aux questions suivantes : 1° la condition d'homme révolté se justifie-t-elle ? ; 2° quelle serait, d'après vous, la signification de la révolte face au monde d'aujourd'hui ?Publiées, les réponses dessinent spontanément une sorte de nouveau champ magnétique, proche du surréalisme mais sans lui être inféodé. Très vite, Le Soleil noir irradie, crée, en dehors de toutes les lois éditoriales, des livres inouïs qui sont des mises en espace à la mesure démesurée des poètes, des peintres, des sculpteurs invités.Aujourd'hui, la litanie des noms rassemblés alors par François Di Dio compose un chant quasi magique qui garde sa force d'appel et de surrection : Ghérasim Luca, Jean-Pierre Duprey, Stanislas Rodanski, Claude Tarnaud, Claude Pélieu, Joyce Mansour, Alain Jouffroy, Michel Bulteau, Jacques Herold, Magritte, Miro, Toyen, Monory, Erro, Velickovic, Berrocal, Kowalski... et tant d'autres qui doivent à cet homme-volcan, à ce grand frère strombolien, d'être sortis de la nuit pour aveugler, pour disqualifier et pour fuir la fuite résignée des jours.