Annonce «France Soir» a frôlé son dernier soirPlacé en redressement judiciaire, le quotidien évite la liquidation.Six mois de sursis. Six mois de mise en redressement judiciaire : c'est ce qu'a obtenu hier France Soir du tribunal de commerce de Bobigny en Seine-Saint-Denis. Déclaré en cessation de paiement jeudi, le quotidien, qui risquait la liquidation pure et simple, peut donc pousser un petit «ouf» à quelques jours de son 61e anniversaire.Sur le même sujetDes records au déclin«Immense colère». «Le pire a été évité», «c'est la moins mauvaise des nouvelles qu'on pouvait avoir», commentaient hier en début d'après-midi des salariés de France Soir après le verdict du tribunal. «Mais nous ressentons une immense colère», laissait échapper l'une d'entre eux. «Oui, nous avons de la colère contre tous ces propriétaires qui se sont succédé, engraissés sur la bête, et sont partis en laissant le journal de plus en plus exsangue», s'emporte une salariée. Et d'énumérer la longue liste de ceux qui, après le faste des années Lazareff, ont accompagné le déclin du journal (lire ci-dessous). Dernier en date : l'homme d'affaires franco-égyptien Raymond Lakah, actionnaire du titre à 70 %. Son bilan après un an : une petite entreprise de 118 salariés, dont 74 journalistes, qui perd 700 000 euros par mois et des lecteurs. Sa diffusion est aujourd'hui tombée à 45 000 exemplaires.«Nous avons aussi de la colère contre les pouvoirs publics, reprend la journaliste. Où est le ministre de la Culture et de la Communication qui parlait de pluralité de la presse à la Fête de l'Huma ? Nous avons besoin d'aide pour trouver un repreneur sérieux.» Et vite, comme le soulignait hier Jacques Lefranc, PDG du titre en difficulté. «Légalement, la période est de six mois, mais les impératifs de trésorerie sont plus importants que les impératifs juridiques. Dans deux-trois mois, il faudra avoir trouvé une solution.» Pour ce faire, Gilles Barronie et Frédéric Brunet, nommés mandataires ad hoc le 7 octobre pour assister Jacques Lefranc, deviennent coadministrateurs judiciaires. L'équipe de «redresseurs» invitera-t-elle Lakah à remettre au pot ? L'homme d'affaires aurait laissé entendre qu'il le pourrait.«Nous avons intérêt à nous bouger les fesses pour trouver quelqu'un d'autre», insiste un journaliste, tandis que les élus s'étonnaient récemment d'avoir appris l'existence de flux financiers «pour le moins obscurs au détriment de l'entreprise». Ainsi, l'administrateur judiciaire Gilles Barronie a-t-il déclaré à l'AFP avoir constaté des «mouvements financiers importants entre la maison mère, Montaigne Press Limited, et Presse Alliance». En clair, entre la holding de Lakah en Grande-Bretagne et la société éditrice de France Soir. Montaigne Press Limited ayant bénéficié, selon Barronie, d'un investissement important concernant France Soir international... Or, France Soir international, le prétendu grand projet de Lakah, n'a jamais dépassé le stade du numéro zéro. Combien d'argent s'est-il ainsi envolé en Grande-Bretagne ? Certains évoquent mais cela reste à prouver quelque 6 millions d'euros (soit le montant de la dette du quotidien, gelée depuis la mise en cessation de paiement), voire davantage. Lakah pourra-t-il le justifier ? Les élus du comité d'entreprise du titre comptent en avoir le coeur net, n'excluant pas l'opportunité d'une action judiciaire.Aides de l'Etat. D'ici là, le quotidien devrait toucher deux millions d'euros qui lui sont dûs par l'Etat au titre de l'aide aux journaux à faibles ressources publicitaires. Et reparaître dans le Sud, d'où il était absent depuis la fin de l'été après un différend avec l'imprimeur Riccobono.
