Annonce FiscalitéLe testament Sarkozy: l'héritage à petit prixAvant de quitter Bercy, le ministre veut faire voter l'exonération des droits de succession en deçà de 100 000 euros. Populaire mais inégalitaire. 'année 2005 pourrait bien être celle des héritiers, du moins des mieux lotis d'entre eux. La mesure que s'apprête à prendre Nicolas Sarkozy dans le cadre de la préparation du prochain budget a tout pour leur plaire : un abattement général sur les droits de succession, qui, selon Bercy, devrait s'établir à environ 100 000 euros. Au départ, Sarkozy voulait cibler la résidence principale. Mais, égalité devant l'impôt oblige, tous les actifs (hors assurance vie, qui fait l'objet d'un abattement spécifique) doivent être concernés. «Nous n'avons pas voulu choisir entre les patrimoines qu'ont voulu se constituer les ménages tout au long de leur vie», explique-t-on chez Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au Budget. Le ministre des Finances croit avoir trouvé une mesure claire, lisible et populaire. Dimanche, sur TF1, il a commencé à faire la publicité de ce qui devrait être le morceau de choix de la loi des finances 2005, faisant passer au second plan l'impopulaire baisse de l'impôt sur les sociétés. «Je proposerai une franchise totale pour le patrimoine moyen des Français, a-t-il expliqué, car j'estime que, quand on a travaillé toute sa vie, on a le droit de laisser à ses enfants, en franchise d'impôt, ce qui représente le produit de son travail.» La «valeur-travail», si chère à ses yeux, serait donc mieux récompensée. Il y voit aussi un moyen de renforcer «la solidarité entre les générations».Méconnaissance. Mais qui sera réellement concerné par la mesure ? A Bercy, on se contente d'indiquer que l'abattement général à la base serait de 100 000 euros, auquel viendraient s'ajouter tout ou partie des abattements auxquels ont déjà droit actuellement les héritiers : 76 000 euros pour le conjoint survivant, 46 000 euros pour chaque enfant. Au total, pour qu'une famille de taille «moyenne» bénéficie de l'abattement, il faudrait donc que l'héritage dépasse les 146 000 euros (un enfant seul héritier) pour qu'il commence à être soumis à une taxation progressive. Or, en 2002, seules 20 % des successions parvenaient à ce chiffre ou le dépassaient.Encore connaît-on mal les héritages en France. Dans son rapport paru en 2003, Philippe Marini, rapporteur (UMP) du budget au Sénat, avouait que les statistiques des services fiscaux ignorent près d'un tiers des successions, bien trop faibles pour être imposables. On est loin de l'affichage du ministre, qui présente la somme de 100 000 euros comme la «moyenne» des 530 000 successions que 1,12 million de Français se partagent bon an mal an, comme si chaque héritier pouvait attendre de ses parents un patrimoine, le plus souvent inexistant. L'effet redistributif peut aussi être contesté : les enfants héritent en moyenne à 52 ans révolus, un âge où ils ont souvent commencé à constituer leur propre patrimoine. Qui plus est, cet âge est en augmentation constante.Bon souvenir. La gauche commence à fourbir ses armes. Le député socialiste Didier Migaud dénonce déjà le caractère «foncièrement inégalitaire, malgré l'apparence, de la proposition de Nicolas Sarkozy : on va vite s'apercevoir que ce sont toujours les mêmes qui en profitent». Et d'ajouter : «L'impôt sur le patrimoine est un élément efficace, qui existe depuis la Révolution française, de redistribution pour l'Etat. Sarkozy, en le démantelant, poursuit une politique de moins-disant fiscal qui n'aura comme résultat que de diminuer les moyens de l'Etat.» Le ministre écoutera-t-il l'argument ? Pas sûr : à moins de trois mois de son départ de Bercy, il pense tenir de quoi laisser un bon souvenir à l'électorat de droite.
