Annonce FiscalitéCoup de pouce ciblé pour les impôtsLa simplification du système d'imposition des revenus profite surtout aux classes moyennes supérieures.Par Catherine MAUSSION et Hervé NATHANjeudi 15 septembre 2005 (Liberation - 06:00) a réforme fiscale annoncée par Dominique de Villepin le 1er septembre prend forme. Alors qu'elle doit être adoptée par le Conseil des ministres le 28 septembre, pour être appliquée en 2007, le ministre de l'Economie Thierry Breton et le ministre délégué au Budget Jean-François Copé en ont dévoilé hier le principal, dans une interview au Figaro. Barème simplifié, niches plafonnées, «bouclier fiscal». Revue des nouveautés promises.Faire du maquis fiscal français un régime simple, lisible pour que tout le monde y gagne est une gageure. La simplification apparente du barème et les plafonnements annoncés en tous sens s'accompagnent encore de zones d'ombre. Exemple, le nouveau barème: cinq tranches d'imposition au lieu de sept. Bravo pour la clarté. Sauf qu'on ne supprime pas impunément des tranches sans créer des sauts. Pour afficher des taux ronds, Bercy a désavantagé certains contribuables situés sur les limites. Certains foyers autour de 25 000 euros de revenu imposable passeront d'un taux marginal d'imposition de 22,6 % à... 30 % ! Et l'allégement de la note d'impôt varie d'un niveau de revenu à l'autre sans beaucoup de cohérence.Cinq tranches au lieu de sept«Les principaux bénéficiaires», explique Jean-François Copé, «sont les salariés des classes moyennes : ceux qui gagnent entre 1 000 et 3 500 euros par mois», soit 12 000 à 42 000 euros par an. La fourchette ratisse large : on y retrouve la grosse majorité des salariés, le revenu médian des ménages en France étant de 25 000 euros par an. En fait, calcule Henri Sterdyniak, économiste à l'OFCE (Observatoire de la conjoncture économique), la réforme bénéficie surtout à trois catégories de salariés : les 1 800 à 2 500 euros nets par mois, les 5 000 à 7 000 euros par mois et les plus de 12 000 euros mensuels. Bercy se garde bien d'insister sur ces derniers, les plus riches. Travailleurs ou rentiers, ils tirent pourtant eux aussi les marrons du feu. Grâce, d'abord, à l'intégration dans le barème des 20 % d'abattement sur les revenus, qui ne s'appliquait jusqu'ici qu'aux salaires et aux commerçants, indépendants ou professions libérales adhérant à un centre de gestion agréé. Dans la foulée, le plafonnement de l'abattement de 20 % disparaît. Ce qui fait dire au Snui (syndicat des impôts) : «Les grands gagnants sont les non-salariés dont les revenus dépassent 50 000 euros, et plus encore les 100 000 euros annuels.»Les niches plafonnéesFaute de pouvoir supprimer les plus de 300 niches fiscales qui permettent souvent aux plus aisés de réduire fortement leurs impôts, le gouvernement va les plafonner à 8 000 euros par foyer, plus 750 par personne à charge. Seuil plutôt généreux, puisqu'il ne toucherait que 10 000 des 34 millions de foyers fiscaux. Le montant en a été calculé pour sauver la sacro-sainte réduction d'impôts pour emploi à domicile, qui est plafonnée à 7 500 euros. Bercy s'est bien gardé de publier la liste des niches visées. Seules seraient retenues celles pour lesquelles le contribuable «dispose d'un choix d'opportunité». Sont ainsi tenus hors champ le quotient familial, les pensions alimentaires ou la PPE (prime pour l'emploi). L'épargne versée dans le fameux Perp (plan d'épargne retraite populaire) serait elle aussi épargnée. Pour le reste, le contribuable devra faire un choix entre l'investissement locatif (dit loi Robien), l'aide au cinéma (Sofica) et autres aubaines. Quid des énergies renouvelables ou des dépenses de gros équipements ? Bercy hésiterait encore sur le sort des investissements dans les Dom-Tom, sujet politiquement sensible.Le «bouclier fiscal» à 60 %Désormais, le total des impôts directs (impôt sur le revenu, ISF, impôts locaux, taxe d'habitation et taxe foncière) ne pourra plus dépasser 60 % des revenus du contribuable. Le gouvernement dit avoir copié les dispositifs en vigueur en Europe. 126 000 foyers seraient concernés, dont la plus grande partie sont des «accidentés de la vie», selon l'expression de Jean-François Copé : ex-cadres au chômage, jeunes chefs d'entreprise qui viennent de créer leur société, ou agriculteurs sans revenus. Toutes personnes qui jouissent déjà le plus souvent des facilités de paiement du fisc. Les vrais bénéficiaires du dispositif seront les 5 000 contribuables déjà plafonnés pour l'ISF. Ou les agriculteurs-retraités de l'île de Ré, dont les terrains ont vu leur prix s'envoler. S'y ajoute un autre cadeau: alors que la réforme ne prendra effet qu'en 2007, le «bouclier fiscal» jouera son rôle d'amortisseur dès 2005.
