Annonce Finance; L'AMF lui reproche des fautes commises lors d'une émission obligataire en 2002 La Deutsche Bank piégée dans un délit d'initiés Il flotte comme un parfum de délit d'initié autour de la Deutsche Bank. L'un des plus grands établissements bancaires du monde vient, en raison de maladresses répétées au cours d'une opération financière, de se faire épingler par l'Autorité des marchés financiers. Il y a quelques semaines, fin décembre, l'AMF a adressé à l'établissement une «lettre de griefs» l'informant qu'une procédure de sanction administrative allait être déclenchée à son encontre. L'affaire remonte à l'automne 2002. A l'époque, Vivendi Universal confie à la Deutsche Bank l'émission d'obligations remboursables en actions (ORA) d'un montant de 1 milliard d'euros. Sans qu'on en connaisse les raisons, les équipes de la banque chargées du placement vont multiplier les faux pas au point d'alimenter les soupçons autour de l'éventuelle organisation volontaire d'un délit d'initié. De fait, à l'occasion de cette opération, en vingt-quatre heures, quatre maisons de titres britanniques ont pu engranger une plus-value d'une dizaine de millions d'euros. Les quatre établissements, Ferox Capital Management, UBS O'Connor, Meditor Capital Management et GLG Partners LP, ont eux-mêmes fait l'objet d'une enquête poussée à Londres. Retour sur les faits. Le 12 novembre 2002, Vivendi Universal confie à la Deutsche Bank la mission de vendre des obligations. L'émission donne lieu à la rédaction d'un document exhaustif sur les modalités de l'opération. Ce type de document est systématiquement visé par les autorités de marché qui vérifient que toutes les données nécessaires sont présentes pour une bonne information du public. Le fameux visa est donc normalement apposé par l'AMF, le 15 novembre. Mais depuis, au détour de ses enquêtes menées sur le dossier Vivendi Universal, l'AMF s'est rendu compte que le document qui lui avait été présenté avant l'opération financière était tronqué. Si les équipes de la Deutsche Bank ont en effet bien proposé aux investisseurs d'acheter des obligations, ils leur ont aussi vendu des titres Vivendi. Ce dont aucun document officiel ne fait mention et que l'AMF a découvert bien plus tard. Il s'agit d'une première faute, lourde aux yeux de l'autorité boursière. Et ce d'autant plus que c'est sur cette partie cachée que le délit d'initié a été commis. Les maisons de titres britanniques informées le mercredi qu'elles pourraient acheter le lendemain des titres Vivendi au prix de 10 euros environ en ont tout de suite vendu à découvert – c'est-à-dire sans les détenir – à un prix proche de 11 euros. Le lendemain, elles ont engrangé la différence, soit un euro environ par titre. Le problème dans cette affaire est que certains des financiers britanniques connaissaient très bien leurs homologues de la Deutsche Bank. L'un d'entre eux provenait même des équipes de la banque allemande. L'AMF ne va cependant pas jusqu'à reprocher aux banquiers d'avoir organisé à dessein un délit d'initié. Il n'empêche. L'autorité des marchés a aussi découvert que la Deutsche Bank a détruit les enregistrements téléphoniques que les enquêteurs lui avaient demandé de conserver. La banque a aussi omis de mentionner la date et l'heure des appels passés auprès des investisseurs intéressés par les obligations. Autant de mesures destinées à sécuriser les procédures. La Deutsche Bank peut aujourd'hui regretter d'avoir oublié les «règles de bonne conduite» qu'impose le fonctionnement des marchés financiers. Elle risque au minimum une amende de 1,5 million d'euros et au maximum dix fois les profits dégagés sur cette opération. Mais la banque explique qu'il ne s'agit que de griefs techniques et qu'elle fera la preuve de sa bonne foi dans les délais impartis par la réglementation. C'est-à-dire au début du mois de février.