Création FÊTES DE NUIT A Versailles, au bassin de Neptune, le directeur de Zingaro et de l'Académie équestre évoque le destin de René Madec et ses «Indes galantes» Dans la nuit d'un bleu d'ardoise, les nuages cotonneux semblent flotter comme autant de fantômes. S'il fait doux, le fond de l'air est humide. Il a plu une longue partie du jour, mais le ciel s'est dégagé en début de soirée et pas un souffle ne dérange la lisse surface du bassin de Neptune sur lequel sont amarrées de longues barques et est posé, tout près du bord, un large plateau carré.Au loin, la belle façade du château au-delà de l'allée des Marmousets, à gauche, à jardin, la ville, les beaux immeubles de la rue des Réservoirs et de la rue de la Paroisse, à droite, à cour, les arbres très hauts qui enveloppent l'immense gradin qui a été installé cette année, un haut gradin très impressionnant qui permet à dix mille cinq cents spectateurs une excellente visibilité sur les différents spectacles des traditionnelles Fêtes de nuit. C'est Patrick Bouchain, l'architecte qui accompagne Bartabas dans ses aventures, qui a été chargé de l'élaboration de ce nouveau théâtre par la direction de Versailles Spectacles, filiale commerciale de l'établissement public (voir encadré). Le public des premiers rangs n'aura plus à s'asseoir dans l'herbe souvent mouillée comme c'était le cas les saisons précédentes... L'an dernier, exactement à la même époque, l'Académie équestre, installée aux grandes écuries, sur la place d'Armes, en face du château, et le théâtre équestre Zingaro d'Aubervilliers, unissaient leurs talents sous la direction de Bartabas pour offrir un superbe spectacle qui racontait L'Histoire du chevalier de Saint-Georges en tableaux déliés et prouesses. Cette année, c'est une autre grande figure de l'histoire qui sert de prétexte aux déploiements spectaculaires, René Madec. Né à Quimper en 1763, il fut embarqué comme mousse dès l'âge de 9 ans. A quinze ans, il arrive à Pondichéry. Le Breton devient mercenaire, chef de guerre, nabab de l'empereur des Mogols, roi du Dekkan. Il rentrera riche dans sa patrie. Louis XVI le reçoit à Versailles et l'anoblit. Retiré dans son Finistère, il mourra d'une chute de cheval en 1784. Mais ici, il n'est vraiment qu'un prétexte. Si le Baron est toujours là dans les fonctions de Monsieur Loyal, il n'apparaît qu'au début et à la fin, surgissant dans un side-car pétaradant pour nous parler, très succinctement de René Madec. Ensuite, c'est un spectacle d'un très bon rythme, dans lequel la musique est omniprésente, qui, 1 heure 40 durant, propose de fortes images, des surgissements oniriques des bateaux cerfs-volants, des feux, des jets d'eau dans la pénombre, des animaux chimériques, des cavaliers dans leurs vêtements qui disent les préciosités de l'Inde, des femmes en larges jupes et longues nattes, comme arrachées à des miniatures, et des chevaux, des chevaux, des allures et, sans doute le plus beau moment, comme se détachant de la nuit pour y retourner, des chevaux lâchés seuls, sur le plateau posé sur l'eau, et qui jouent et se roulent sur le sol couleur sable. Et à la fin, évidemment, un magnifique feu d'artifice. Ultimes filages. A sa table de régie, au milieu de l'immense gradin, entouré de sa garde artistique rapprochée, Bartabas ne perd rien des détails du déroulement du spectacle qu'il a conçu. C'est une grosse production : 1 million d'euros pour six représentations de ce soir 27 août au 15 septembre. Mais c'est qu'il y a près d'une centaine de bulletins de salaire à établir. Peu de décors, on l'a dit, mais de superbes costumes pour les cavaliers et de très beaux harnachements pour leurs montures, et beaucoup d'éléments scéniques magiques, un rhinocéros, des éléphants, notamment.«Je n'ai pas voulu, cette année, que les textes ralentissent la fluidité d'une soirée qui doit d'abord être d'images et d'émotions. Les chevaux et leurs cavaliers dans un décor d'exception, baignés dans l'atmosphère envoûtante du château et du parc, doivent permettre aux spectateurs de rêver à leur guise tout en étant étonnés, émerveillés, je l'espère», explique Bartabas. C'est un peu avant le filage, sous la tente de la cantine où tout le monde prend ses repas. La table est excellente. «C'est trop bon», rouspète celui que ses proches appellent Martex. Mais on ne s'inquiète pas plus que ça... Il rit lui-même. En forme, Bartabas. «Pour Les Indes galantes, la musique prime tout. Elle est le deuxième décor, en quelque sorte. Il y a eu un travail très élaboré de Jean-Michel Verneiges. Les choix ne sont pas circonscrits à la musique savante, à la musique de cour, au baroque. Et si l'on reconnaît Rameau, Delalande, Moulinié, les oreilles fines entendront des chants sacrés des Indiens Guarani, des musiques arabo-andalouses, tout un éventail étonnant qui dit l'exotisme.» Bartabas voit déjà plus loin que l'Inde. Zingaro termine à Rome la tournée de Loungta, créera à Istanbul en mai et juin prochains le nouveau spectacle inspiré du monde des Tsiganes de Roumanie, les Roms et c'est cette production qui sera présentée dans le cadre du Festival d'Avignon, au Pontet, en juillet. Pas de Fêtes de nuit l'an prochain, évidemment. Mais des projets de sortie pour l'Académie. A Saint-Pétersbourg, notamment et, en 2007, Aix-en-Provence pour Zingaro. Un projet très particulier. Et des désirs d'agrandissements dans les écuries. A suivre, la semaine prochaine, avec l'indispensable Patrick Bouchain qui prépare l'accrochage des globes de Coronelli à des grues, pour la réouverture du Grand Palais... Château de Versailles, bassin de Neptune, à 21 h 30, les samedi et jeudi jusqu'au 15 septembre. Durée du spectacle : 1 heure 40 environ. Accès divers par autoroute, transports en commun et bus qui desservent parkings et gares. De 30 à 53 euros pour les gradins, 85 euros pour les barques à quatre places. Renseignements et réservations : 01.30.83.78.88. et www.chateauversailles.fr
