Mort d'Eugene Kurtz

Mort Eugene Kurtz, compositeur américain Le compositeur américain Eugene Kurtz est mort à Paris le 6 juillet. Il avait 82 ans. Né à Atlanta (Géorgie) le 27 décembre 1923, il avait pris contact avec le sol français en 1944 dans une division d'artillerie lourde. De retour aux Etats-Unis, il y poursuit ses études musicales à Rochester, mais n'a de cesse de retrouver Paris, pour y suivre, à l'Ecole normale de musique de 1949 à 1952, l'enseignement d'Arthur Honegger, puis de Darius Milhaud. "Je n'ai pas décidé de me fixer à Paris. C'est venu petit à petit, je m'y suis fait beaucoup d'amis, et j'y étais bien pour composer ; j'aime la bonne nourriture, le bon vin", confiait-il à ceux qui, arrosant avec lui une création longtemps attendue, prenaient ensuite une leçon de gastronomie. Car Eugene Kurtz était pédagogue dans l'âme ; il enseignait une année sur deux dans les universités américaines (à Michigan, notamment) et cette vocation lui était venue sans doute de sa rencontre avec Max Deutsch, disciple viennois de Schoenberg, fixé à Paris : ses leçons (de 1953 à 1957) lui permirent, dira-t-il, de découvrir sa propre nature musicale. Sa belle sonate pour violon seul Quasi un opera date de cette époque. Les thèmes y sont des personnages, et le finale, intitulé The Great Locomotive Chase, s'inspire d'un incident de la guerre de Sécession (immortalisé par Buster Keaton dans Le Mécano de la "General", dont son grand-père fut l'un des protagonistes). Suivirent quelques musiques de film, dont celle du court métrage Enfants du courant d'air d'Edouard Luntz, prix Jean Vigo du Festival de Cannes 1960, et des pièces pour orchestre, dont Le Marcheur solitaire créé au Festival de Strasbourg en 1966, d'une écriture incisive, comme des lames qui se croisent, soutenue par la pulsation rythmique de formules répétées. Le modèle des Variations de Schoenberg y est sensible, mais la petite note de harpe qui conclut, après le fortissimo de tout l'orchestre, est un trait distinctif. Kurtz écrivait une musique sérieuse, volontiers sérielle, mais toujours avec le sourire. Parfois, comme dans The Last Contrabass in Las Vegas composée en 1974 pour le contrebassiste virtuose Bertram Turetsky et sa femme Nancy, l'humour devenait coquin, mais c'était plutôt en général le sourire de l'émerveillement, un sourire à la Charles Ives, inépuisable inventeur ludique, qui fut, avec Schoenberg, l'une de ses références constantes. En témoigne, entre autres, son quatuor à cordes, The Broken World, composé à l'occasion du cinquantième anniversaire du Débarquement, qui cite un ragtime (Kurtz était grand connaisseur de Scott Joplin), la Grande Fugue de Beethoven et le Battle Hymn of the Republic. Mecanique, enregistré par l'Orchestre national de France, Time and Again, créé par le Trio à cordes de Paris et la trentaine de partitions parues aux éditions Jobert, où Kurtz était consultant depuis 1972, forment un catalogue relativement modeste, mais de bon aloi. Le prix Nicolo de l'Académie des beaux-arts, décerné en 1997, lui allait comme un gant.