Vente ÉTATS-UNIS Les frères Weinstein quitteront le groupe en septembre pour créer leur propre société Disney reprend en main Miramax, l'enfant terrible de Hollywood Pas de droit à l'erreur. Après douze années de collaboration avec Disney, Bob et Harvey Weinstein quittent Miramax en abandonnant nom et catalogues de films au groupe désormais dirigé par Bob Iger. Ils payent le prix de deux échecs successifs et d'une mésentente idéologique avec leur maison-mère. Les liens avec Disney ne seront pas totalement rompus pour autant. Les deux frères partent avec une enveloppe de 100 à 140 millions de dollars pour créer une nouvelle société, et avec plusieurs projets, dont 25 susceptibles d'être distribués voire coproduits par Disney. Ces termes du contrat ne sont pas sans rappeler l'exemple de Pixar. Au bout de plusieurs mois de tractations, la procédure de divorce entre la maison de Mickey et les pères fondateurs de Miramax a trouvé son dénouement. Harvey et Bob Weinstein resteront aux commandes de Miramax jusqu'en septembre mais ne sont pas autorisés à prendre de nouveaux engagements financiers de production, d'acquisition ou de distribution au nom de Miramax. Dès juillet, le groupe Disney désignera leur successeur, qui travaillera avec les frères jusqu'en septembre. Pendant cette période de transition, les Weinstein devront achever les projets en cours de production et assurer le marketing et la distribution des prochaines sorties Miramax. Soucieux de conserver le contrôle sur sa filiale, Disney va par ailleurs ramener le budget de Miramax à 300 millions de dollars par an, conte 700 millions de dollars sous l'ère Weinstein. Le départ de Bob et Harvey Weinstein est l'opportunité tant attendue de Disney pour ramener Miramax à sa vocation première : financer des films indépendants dont le risque est compensé par une très grande rentabilité. Cette ambition a poussé toutes les majors du cinéma hollywoodien à s'associer ou à créer leur filiale dite «indépendante» ou «spécialisée» pour développer des projets plus originaux mais toujours lucratifs, à l'instar de Focus Features (Universal) ou Fox Searchlight, couronné du récent succès de Sideways. Miramax a longtemps excellé dans ce domaine. En 1994, Harvey Weinstein avait ainsi misé 27 000 dollars sur Clerks, de Kevin Smith. Le film en rapportera plus de 3 millions au box-office. Le scénario est comparable pour Pulp Fiction. Le budget de production de 8 millions de dollars sera remboursé plus de dix fois au box-office américain, où le film de Quentin Tarantino engrange 107,9 millions de dollars de recettes. Les frères Weinstein ont renouvelé ce tour de force en sortant Good Will Hunting, Scream, Scary Movie ou encore Chicago. Mais les récents échecs commerciaux de Cold Mountain, d'Anthony Minghella, et de Gangs of New York, de Martin Scorsese, ont nourri les inquiétudes de Disney sur les ambitions croissantes de sa filiale. Bridé par sa maison mère, Miramax a laissé passer la trilogie du Seigneur des anneaux, qui a rapporté 3 milliards de dollars de recettes mondiales à New Line Cinema, la filiale spécialisée de Time Warner. Et à refuser la distribution de Fahrenheit 9/11. Sans le freinage de Disney, Harvey Weinstein assure qu'il aurait pu monter la valorisation de Miramax à 5 milliards de dollars, au lieu des 2 milliards actuels. Le moins discret des deux frères compte se rattraper avec sa nouvelle société, qui vise déjà la télévision et Internet. «Je pense que nous serons capables de construire notre propre géant des médias», a indiqué Harvey Weinstein lors de l'annonce de la séparation. Les deux parrains du Hollywood indépendant ont fait un premier tour de table pour tenter de lever un milliard de dollars, à raison de 500 millions de dollars de participations et 500 millions de dollars sous forme de dettes. Les ambitions des frères Weinstein se heurtent toutefois au scepticisme de la sphère financière. «Ils disposaient, sous l'ère Disney, d'une flexibilité financière considérable qui ne va probablement pas perdurer», estime Jeffrey Logsdon, analyste chez Harris Nesbitt. De même, Wall Street est plus réticent aujourd'hui face aux risques liés au financement de films, qu'il y a 25 ans, lorsque les frères Weinstein ont transformé leur agence d'impresario en maison de production. Pour Anthony Noto, analyste chez Goldman Sachs, la séparation entre Disney et les frères Weinstein est davantage un handicap pour l'avenir de deux producteurs que pour le groupe de Burbank. «La fin de cet accord ne représente pas une perte financière pour Disney au vu des performances financières de Miramax. La perte de talents créatifs est une perte pour une entreprise de contenus, sauf si elle empêche de fournir des résultats économiques acceptables, ce qui malheureusement est la situation actuelle de Miramax.» Fort de ces recommandations, le titre Disney était en progression à l'ouverture de la Bourse de New York hier matin, après avoir terminé en baisse mardi.